Université Montpellier 1, isem licence, sem 2012-2013 Robert Braid





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Wolff (Jacques), Histoire de la pensée économique. Des Origines à nos jours, Paris : Montcrestien, 1991.


L’auteur

Robert Braid est né aux Etats Unis en 1968. Après une carrière comme consultant de communication en entreprise et chargé de relations internationales dans le secteur privé, il a obtenu son doctorat d’histoire économique en 2008 et est actuellement Maître de conférences à la Faculté d’économie à l’Université de Montpellier.

Introduction
Qu’est-ce que l’histoire de la pensée économique ?

En règle générale, le terme « histoire » fait référence à l’étude des faits qui ont eu lieu dans le passé. Il y a plusieurs manières d’étudier le passé, principalement par le biais de l’analyse des textes anciens. L’historien analyse donc les civilisations anciennes qui ont laissé des traces écrites. Les archéologues étudient eux-aussi le passé, mais surtout grâce aux objets trouvés dans la terre et dans l’eau. L’historien est donc limité non seulement par la conservation souvent aléatoire des documents, mais aussi par sa capacité de comprendre le langage et les idées exprimées par les auteurs qui ont vécu dans un contexte très différent du nôtre.
Par « pensée », on entend l’activité intellectuelle, la réflexion. D’autres termes ont souvent été employés pour ce sujet, mais sont trop contraignants. « Théorie » et « analyse » supposent une formulation bien structurée des idées. La « science » y ajoute également une méthode pour relier différentes théories et les rendre cohérentes entre elles. Mais les théories, et encore plus la science, excluent toute une série de réflexions qui ont évolué et finalement qui ont donné naissance à des idées plus claires et cohérentes. Ce cours commence donc par une analyse des plus anciennes pensées économiques dont nous avons gardé une trace écrite. La réflexion économique avait commencé longtemps avant et a été bien plus vaste que les sujets traités dans ce cours, car même l’être humain le plus primitif réfléchissait sur comment il allait se procurer les produits nécessaires pour de la vie et comment les distribuer au sein de sa famille et de sa tribu, mais ces hommes et femmes n’ont pas transformé leurs idées en textes écrits.
Actuellement, le terme « économie » signifie l’étude de la production, la distribution, l’échange et la consommation de produits (biens et services). Pour comprendre le fonctionnement de l’économie, les hommes ont tenté de l’observée. Or, la grande majorité des activités économiques, encore de nos jours, sont très difficile à examiner, à qualifier et à quantifier. De plus, ces activités sont liées de manière inhérente à l’organisation politique, juridique et sociale ; il est donc essentiel de prendre en compte le contexte dans lequel les théories ont été élaborées et essayer d’examiner comment ces idées ont pu influencer leur contexte.


Pourquoi est-ce qu’il est important que de jeunes étudiants en management étudient l’Histoire de la pensée économique ?

Souvent on considère que l’étude de l’histoire économique ne concerne que les économistes qui doivent comprendre l’origine des théories économiques actuelles. Dans les universités américaines, il y a de moins en moins cours proposés sur ce sujet, car on préfère se concentré sur les phénomènes économiques actuels et les théories développées pour le comprendre. Ce type de cours et très souvent absent de nombreux programmes universitaires en gestion. Cependant, il y a de plus en plus d’articles sur les réflexions économiques anciennes publiés dans les revues économiques.

Schumpeter a signalé trois raisons pour étudier l’histoire de l’analyse économique. D’abord, elle offre des avantages pédagogiques : étudier l’histoire de la théorie économique nous aide l’élève à réfléchir. Mais on pourrait aussi argumenter qu’un cours de littérature ou de chimie offre les mêmes avantages. Schumpeter a observé aussi que parfois on pourrait trouver dans les écrits des anciens quelques idées oubliées qui nous permettraient de mieux comprendre l’économie actuelle. Cependant, la découverte d’une idée d’antan qui n’a pas déjà été étudiée reste un phénomène extrêmement rare. Enfin, il souligne que l’étude de l’histoire de la pensée économique offre des « éclaircissements sur les démarches de l’esprit humain ». Ce n’est donc pas l’idée en elle-même qui est importante, mais plutôt le processus intellectuel par lequel l’être humain est arrivé à cette idée. L’analyse de ce processus nous permet donc de mieux comprendre nos propres processus de réflexion et nous aide à être plus objectifs quant aux idées dont d’autres souhaitent nous convaincre.


La théorie et la réalité selon J. M. Keynes :
« […] les idées, justes ou fausses, des philosophes de l’économie et de la politique sont plus puissantes qu’on ne le pense en général. […] Les hommes d’action qui se croient parfaitement affranchis des influences doctrinales sont d’ordinaire les esclaves de quelque économiste passé. »

(John Maynard Keynes, Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, 1936, ch. 24.)

Selon Keynes, le lien entre la théorie économique et la réalité économique est très clair : les « hommes d’action » sont dépendants des idées développées par les intellectuels pour comprendre le fonctionnement de l’économie. En effet, les hommes politiques et managers font souvent appel à des spécialistes en la matière pour les aider à prendre les meilleures décisions. Cependant, il est aussi vrai que la réflexion des individus (même celle des intellectuels) est fortement influencée par leur contexte, qui lui dépend des décisions prises par les hommes d’action. Le rapport est donc plus complexe que l’observation de Keynes. Est-ce qu’il est possible que Keynes est arrivé à cette conclusion parce que lui-même il était un intellectuel et non pas un homme politique ou un manager ?

Quels sont les différentes manières d’étudier l’Histoire de la pensée économique ?

Plusieurs approches s’offrent donc à l’organisateur d’une telle formation. Certains tentent de mettre en évidence l’évolution des idées en examinant la transition d’une théorie à l’autre. D’autres préfèrent établir des paradigmes et caser les théories dans des rubriques bien définis. Il semble plus utile pour de jeunes managers, cependant, de relativiser toutes les pensées économiques en les replaçant dans leur contexte intellectuel, politique, économique et social.
Cette formation visent donc à fournir à l’élève des informations sur les économistes et les courants de pensée les plus souvent cités pour qu’il puisse discuter avec des économistes et lire des textes sur l’économie. Mais plus important encore, cette formation cherche à donner aux étudiants les outils intellectuels pour pouvoir analyser différentes théories économiques de façon critique pour ne pas être l’esclave de l’idéologie.

Quiz de sensibilisation
Ci-dessous est une liste des plus grands philosophes de l’économie. Prenez quelques minutes pour voir si vous en connaissez déjà quelques uns, ou si vous êtes un parfait débutant en la matière. Refaite ce même quiz à la fin de la formation pour voir votre progrès. NB – Aucune connaissance au préalable n’est requise pour bien réussir cette formation. Toutes les informations nécessaires seront fournies.

  1. __________________________ Philosophe grec (environ 428-354 av. J. C.), disciple de Socrate, qui est l'auteur de la première utilisation du vocable "économique", pour signifier la bonne gestion de la grande propriété foncière. Il prône également la spécialisation des métiers et explique comment accroître les recettes fiscales de la Cité d’Athènes.

  2. __________________________ Philosophe et économiste écossais (1723-1790), qui a publié en 1776 La Richesse des nations, ouvrage dans lequel il explique comment l’économie se régule de manière autonome parce que les actes poursuivis dans l’intérêt de chaque individu conduisent également à l’intérêt collectif.

  3. _________________________ Economiste français (1767-1832) de l'école classique, qui favorise une politique de libre échange, il est connu pour sa théorie que la production crée des opportunités, ou des débouchés, pour des échanges.

  4. _________________________ Economiste anglais (1772-1823), considéré comme l'un des pères fondateurs de l'école classique, qui commence sa carrière comme financier à Londres et qui devient parlementaire en 1819, connu pour son ouvrage principal, Des principes de l'économie politique et de l'impôt, dans lequel il défend le libre échange et développe une théorie par laquelle la valeur d'un bien prend en compte non seulement le travail utilisé pour le fabriquer, mais aussi le travail qui a été nécessaire pour accumuler le capital (machines, etc.).

  5. _________________________ Economiste français (1834-1910), professeur à l'Université de Lausanne, co-fondateur de l'école néo-classique, qui est connu pour sa théorie d'équilibre général et pour son approche extrêmement théorique.

  6. ________________________ Economiste britannique (1842-1924), de l'université de Cambridge, considéré comme l'un des plus grands auteurs de l'économie néo-classique, qui a utilisé les théories d'utilité marginale pour élaborer une théorie d'équilibre partiel, "toutes choses égales par ailleurs" (« ceteris paribus »).

  7. _________________________ Economiste autrichien (1899-1992), défenseur du libéralisme, connu pour son ouvrage La Route de la servitude (1944) dans lequel il démontre que l'intervention de l'Etat dans l'économie se traduit par une réduction de libertés individuelles, il reçoit le Prix Nobel en 1974 pour avoir incorporé des aspects sociaux et institutionnels dans son analyse économique.

  8. _________________________ Economiste britannique (1883-1946), et l'un des acteurs principaux des accords de Bretton Woods, qui est reconnu pour sa théorie que les marchés ne peuvent pas toujours s'équilibrer de manière autonome, nécessitant l'intervention de l'Etat, notamment pour remplacer la demande du secteur privé qui baissent en périodes de crises économiques.

  9. ____________________________ Economiste américain (1943- ), professeur à Columbia University, ancien Economiste en Chef de la Banque Mondiale, il reçoit le Prix Nobel d’économie et est connu pour ses critiques du libéralisme économique et de la mondialisation. Il est l’économiste le plus cité dans le monde (selon IDEAS/RePEc).

  10. _____________________________ Economiste américain (1953- ), professeur à Princeton, à la London School of Economics, lauréat du Prix Noble d’économie en 2008 pour ses travaux sur le commerce international et la concentration géographique de la richesse en examinant l’impact des économies d’échelle et des préférences des consommateurs.

1. Economie morale (Antiquité – XVème siècle)
Les seuls documents qui laissent une trace des la pensée économique conservés pour cette époque sont des lois et des traités philosophiques ou théologiques. La pensée économique est indissociable de la moralité (ou du droit), donc basée sur l’élaboration du comportement vertueux (ou légal) des différents acteurs. Il est évident que les marchants, les artisans, les paysans, etc., réfléchissaient aux moyens de productions, à l’efficacité, aux termes d’échanges, à l’investissement, à leur consommation, à la leurs budgets, etc., mais ils n’ont pas transcrit leurs idées, alors l’étude historiques de cette réflexion est impossible. L’absence de textes ne veut pas forcément dire l’absence d’idées.

La Mésopotamie

Le Code d'Hammurabi – roi de Babylone au 18ème siècle av. J.-C.

Ceci est certainement le plus ancien texte (écrite sur une tablette de pierre) conservé qui parle d’économie. Comme tous les codes juridiques, il s’agit d’un document qui rassemble des règlements divers sur un certain nombre d’activités pour maintenir l’ordre social. Ce code comprend des lois économiques (fixation des salaires, règlements sur les prêts, la location, la responsabilité professionnelle, etc.). Il n’est pas très important pour nous, car il a été assez récemment redécouvert par des archéologues and n’a eu aucune impact sur notre héritage en matière de pensée économique. Il témoigne, cependant, d’une réflexion économique à une époque très ancienne et vaut donc d’être retenu.

Antiquité chinoise

Il existe deux traditions importantes dans la philosophie chinoise : le Taoïsme et le Confucianisme.
Le « Vieux Maître », Lao Tseu (570-490 av JC), est considéré comme étant à l’origine des pensées exprimées dans un ouvrage postérieur, Livre de la voie et de la vertu (IVème-III siècle av JC). Le principe de cette philosophie repose sur le principe régulateur binaire de l’univers (yin et yang). Comme toute philosophie, le Taoïsme cherche à établir des règles de conduite pour mener l’être humain à la vertu. Celle-ci dépend principalement de la non-intervention de l’homme dans le monde. L’harmonie et la vertu sont atteintes par l’acceptation du monde naturel. Il prône alors la dissolution de la culture, du savoir, du désir, pour retrouver un état pur et originel.
L’autre courant philosophique majeur en Chine antique est le Confucianisme. Contrairement à l’enseignement du Taoïsme, Confucius (551-479 av JC) prônait une philosophie où l’homme est au centre. La vertu est atteinte grâce à la vie en société ; Confucius donne donc un rôle important à l’éducation et à l’Etat.
Certains tentent de lire dans ces philosophies une certaine réflexion économique. En effet, la non intervention du Taoïsme peut être assimilée au libéralisme économique où les marchés s’auto-règlent (Smith, Marshall, Hayek, Friedman). Le Confucianisme, en revanche, pourrait soutenir une philosophie économique qui favorise l’intervention de l’Etat dans l’économie (Marx, Keynes, Stiglitz, Krugman). Mais ces philosophies n’évoquaient pas directement les questions relatives aux activités économiques. De plus, elles n’ont pas eu d’influence directe sur la tradition philosophique occidentale ou sur les théories économiques les plus répandues.

Antiquité grecque
Contrairement aux lois babyloniennes ou à la tradition philosophique chinoise, les idées articulées en Grèce antique ont eu un impact direct et important sur la philosophie occidentale et sur la théorie économique moderne. Il suffit de rappeler qu’Adam Smith était professeur de philosophie morale et enseignait les textes d’Aristote et de Platon. Tout universitaire jusqu’à une époque très récente devait apprendre le latin et le grec et lisait les grandes œuvres philosophiques de l’antiquité grecque. Encore de nos jours, les économistes font parfois référence aux auteurs grecs, notamment à Aristote.
Le contexte

Avant de comprendre la pensée de l’époque, il convient de rappeler quelques points concernant le contexte historique. La Grèce antique est considérée comme le berceau de la démocratie, et comme tout développement, le début est imparfait. L’économie grecque dépend foncièrement sur le travail des esclaves. Les domaines agricoles comme l’artisanat urbain tournent grâce au travail forcé et la pensé démocratique ne considère absolument pas la possibilité de le supprimer. Il faut aussi rappeler que l’économie grecque est prospère grâce au commerce international qui est dû à la maîtrise du transport maritime. Les bateaux grecque sillonnent la méditerranée, apportant à la fois marchandise et idées.

Les penseurs

Thalès de Milet (625-547 av JC)

Ce philosophe n’a pas laissé de trace écrite de ses pensées, mais Aristote raconte une anecdote relative à ce philosophe qui laisse entendre qu’il maîtrisait des notions économiques. Thalès aurait été critiqué pour le caractère inutile de son savoir, étant un philosophe toujours à la recherche du savoir et non d’un gain terrestre. Pour démontrer l’utilité de son savoir, Thalès, grâce à ses calculs du mouvement des corps célestes, aurait calculé les cycles agricoles. Il a ensuite investit dans des pressoirs à huile à un moment où la demande pour les pressoirs était faible et donc leur prix relativement bas. Il a réussi à obtenir un monopole des pressoirs pour pouvoir exiger des frais élevés lors d’une récolte d’olives abondante et amasser une fortune. Cet anecdote nous apprend que, au moins depuis le VIème siècle av JC, on comprenait la notion de cycles économiques et l’impact des fluctuations l’offre des produits agricoles sur les prix des instruments de transformation, ainsi que le fonctionnement de la concurrence, ou son absence, sur les prix.


Xénophon (426-355 av JC)

Cet élève de Socrate (fameux philosophe qui n’a rien écrit), est l’auteur de deux ouvrages importants pour l’étude de l’histoire de la pensée économique. Dans L’Economique, il expose comment améliorer la gestion d’une exploitation agricole. En effet, le terme « économie » (du grec oikos qui signifie maison et nomos qui signifie ordre, règle) fait référence à la gestion domestique, non pas le sens moderne du mot. Mais son autre ouvrage, Les Revenus de l’Attique, explique comment une région peut investir dans l’infrastructure et la production et répartir les ressources pour pouvoir augmenter la richesse collective. C’est donc dans cet ouvrage qu’il expose des concepts économiques très modernes.

Platon (427-348 av JC)

Egalement élève de Socrate, Platon est le mieux connu pour son ouvrage La République. Dans cette utopie, Platon décrit trois classes dans la société, les magistrats et philosophes dans la première, les guerriers dans la deuxième et les producteurs dans la troisième (organisation sociale qui remonte jusqu’aux indo-européens et perdurent au moins jusqu’au XIXème siècle). Pour la première classe, il prône un partage communautaire de la propriété ; les magistrats et philosophes devraient partager non seulement la terre et des objets, mais aussi leurs femmes. Par contre, pour le reste de la société, seule la propriété privée peut maintenir l’ordre social. Ce texte énonce donc un système communiste pour l’élite de la société et un système plutôt capitaliste pour le reste. Cette prescription n’est cependant pas pour augmenter la richesse collective ou individuel, mais plutôt pour permettre aux individus de se comporter de manière vertueuse.

Aristote (384-322 av JC)

L’auteur grec qui a eu le plus grand impact sur la pensée économique moderne est de loin Aristote, élève de Platon. Dans ses ouvrages (L’Ethique à Nicomaque, La Politique) Aristote développe non seulement des concepts économiques, mais aussi une méthode qui sera plus tard adopter par des philosophes occidentaux, notamment les théologiens de la fin du Moyen Age.
Il décrit le processus de développement économique par la spécialisation et l’origine de la monnaie, nécessaire pour des échanges à partir d’un certain volume de commerce. La monnaie est donc un moyen d’échange plus efficace, non pas la richesse elle-même. Cet argument sera repris par de nombreux économistes postérieurs, y compris Adam Smith. En effet, c’était Aristote qui explique que le roi mythique Midas, qui transformait tout ce qu’il touchait en or, a crevé de faim car il ne pouvait pas manger l’or et ne pouvait pas manger sans toucher la nourriture. Il prône alors une recherche de gain (‘chrématistique’) naturelle, qui favorise la production et l’échange de biens utilisant l’argent seulement comme moyen de paiement, plutôt qu’une chrématistique mercantile, qui signifie la recherche de gain en numéraire par toutes sortes de manœuvres mais sans produire des biens utilises.
Surtout, Aristote a légué à l’Occident une méthode pour évaluer la valeur d’un argument, en y opposant les idées et arguments contraires pour arriver à une conclusion plus fiable. C’est surtout à cause de cette méthode, et la traduction en latin des ses ouvrages au XIIIème siècle, que des théologiens médiévaux vont lire Aristote, cherchant un fondement philosophique plus logique pour la théologie chrétienne. En passant, les auteurs médiévaux vont commenter et reprendre les arguments économiques du philosophe grec.


Les thèmes 

L’antiquité grecque a créé une fondation sur laquelle d’autres auteurs postérieurs vont bâtir. Les auteurs grecs n’ont certainement pas inventé ex nihilo ces idées ; les concepts économiques décrits dans ces ouvrages philosophiques avaient été certainement discuté par des philosophes antérieurs qui n’ont pas rédigé leurs idées pour permettre aux historiens de les analyser.
En gros, plusieurs thèmes économiques peuvent être identifiés dans la littérature grecque. D’abord, conformément au sens propre du terme ‘économie’, on voit des ouvrages relatifs à la gestion d’un domaine agricole, un type d’ouvrage qui sera répandu par les Romains. On aborde également la question de la répartition des biens entre membres d’une communauté. Enfin, on critique l’accumulation de la richesse sans produire des biens utile (la chrématistique mercantile), tout en défendant le travail. A cette époque, on fait preuve d’une compréhension assez claire du fonctionnement de base de l’économie, l’offre et la demande, les prix, la concurrence, etc., mais l’orientation de la plupart des ouvrages concerne le comportement vertueux des acteurs. Seul Xénophon semble se préoccuper de la question de l’augmentation de la richesse régionale.

Antiquité romaine

Le contexte 

L’histoire de Rome est relativement bien connue. Fondée dès le VIIIème siècle av JC, la cité devient république et puis empire. L’expansion politique est soutenue par une croissance économique qui est elle liée directement aux avancées technologique. Maîtrise de la force de l’eau pour faire tourner des roues pour lever pierres ou mouliner grains. Le ciment permet des constructions de plus en plus grandes et résistantes. Aqueducs permettent une croissance démographique, même à des endroits sans des ressources suffisantes en eau. Routes et ponts facilitent le commerce. La paix romaine offre une sécurité qui laisse développer la production et le commerce. La production agricole est basée sur l’exploitation de grands domaines (latifundia), et le travail est fourni principalement par des esclaves. L’expansion atteint ses limites et le déclin s’installe vers IVème siècle.
Quant au contexte intellectuel, les Romains étaient tributaire des Grecs. Les jeunes Romains de bonne famille allaient étudier la rhétorique ou la logique en Grèce sous la tutelle d’un maître. Par conséquent toute l’élite de Rome maîtrisait bien la langue grecque et connaissait bien la tradition intellectuelle grecque.

Les auteurs 

Dans la tradition de l’ « Economie » de Xénophon, de nombreux auteurs ont rédigé des traités sur la gestion de domaines agricoles : Caton l’Ancien (234-149 av JC), Varron (116-27 av JC), Lucius Columelle (1e siècle après J. C.), Pline l'Ancien (23-79 après JC).
Quant à la philosophie, il suffit de citer le plus célèbre des Stoïques, Cicéron (106-43 av JC), qui était par ailleurs un puissant homme politique, rival de Jules César. En particulier, dans l’un de ses nombreux ouvrages philosophiques, Des Devoirs, il expose comment un individu doit agir pour être vertueux, y compris dans ses activités économiques. L’honnêteté dans des transactions commerciales et le respect des engagements sont des thèmes récurrents. En tant que Stoïque, et dans la tradition hellénique, il dénigre la recherche du gain matériel au dépens de la vertu. Cicéron aura un impact important non seulement sur d’autres auteurs romains, mais il sera également cité par les théologiens médiévaux.
L’autre source majeure d’informations sur la pensée économique de cette époque consiste à des lois. En particulier, le Corpus Juris Civilis (Le Code Justinien) Justinien Ier (483-565 après JC) rassemble un très grand nombre de règles de conduite dans la société romaine. Les thèmes relatifs à l’activité économique concernent principalement le respect du contrat, l’honêteté dans les échanges (bona fides), la responsabilité des acheteurs d’être sur ses gardes (caveat emptor) et le juste prix. Par rapport à ce dernier concept, le droit romain établissait qu’un individu qui a été amené à payer plus de 50% de plus que le juste prix pouvait chercher compensation devant la justice, selon le principe de laesio enormis. Cependant, le droit romain n’établit pas explicitement comment déterminer le juste prix ; en gros on comprend qu’il s’agit du prix pratiqué sur le marché local (voir textes ci-dessous). Le droit romain aura un impact énorme sur la civilisation occidentale car il sera pris comme base pour l’élaboration de traités de droit dès le XIème siècle et servit de base pour les codes civile et pénal élaborés par Napoléon et encore en vigueur.
La tradition patristique

Par tradition patristique, on entend l’héritage de l’Eglise Catholique aux premiers siècles de notre ère. L’Eglise Catholique, d’abord supprimée par l’Empire Romain, ensuite se développe grâce à celui-ci. L’Empereur Constantin (272-337) s’était converti au Christianisme et, à travers l’Edit de Milan de 313, a déclaré la tolérance envers les Chrétiens dans l’Empire Romain, ainsi favorisant la propagation de cette religion. Elle devient la religion principale de l’Europe occidentale et détenait le monopole du savoir et de l’enseignement en occident. Son influence est profonde.
Si la Bible est considérée comme le plus important des textes de la religion chrétienne, et en particulier le Vulgate (version latine établie par Saint Jérôme à la fin du IVème siècle), l’Eglise Catholique octroie une considération particulière aux textes rédigés par les pères fondateurs de la religion (d’où le terme « patristique »).
L’Eglise Catholique se considérait héritière de la tradition hébraïque et inclut la Torah (l’Ancien Testament) parmi les textes sacrés. Les divers livres de cette partie de la Bible offrent une multitude de normes à suivre. Parmi ces obligations on retrouve un certain nombre de comportements économiques. Par exemple, un maître ne peut pas retenir le salaire de ses ouvriers jusqu’au lendemain du jour travail ; le salaire des journaliers doit être versé le soir même afin de leurs permettre d’acheter leur nourriture quotidienne. On doit agir charitablement envers ses serviteurs, tout comme on doit faire pour toute personne en situation précaire (orphelins, veuves, personnes âgées, etc.). De plus, en punition, Dieu chasse Adam et Eve du Jardin d’Eden et les oblige à « gagner [leur] pain par la sueur de [leur] front ». En gros, il faut travailler et il ne faut pas abuser de sa position économique supérieur au dépens des autres.
Le Nouveau Testament ne contient pas tant de lois précises ; il offre cependant un esprit à adopter qui, si pris à la lettre, agirait profondément sur les activités économiques. En particulier, le Christianisme dénigre la richesse. Alors que la tradition philosophique grecque critique l’accumulation de la richesse sans effort productif, l’Evangile recommande de se débarrasser de ses possessions matérielles. Le Christianisme favorise la charité même envers des inconnus. Le travail ne semble pas mis en valeur ; si Jésus est issu de la classe ouvrière, on ne le voit, ni lui ni ses disciples, travailler. Au contraire, ils vivent seulement grâce aux dons, comme des mendiants. Seule la recherche du salut éternel importe dans ses textes.
Si la Bible s’adresse principalement à une multitude d’individus, les autorités de l’Eglise doivent maintenir l’ordre social. L’abandon total de ses biens ne peut se pratiquer que par une partie très limité de la société ; en effet, c’est ce qui est demandé aux moines qui vivent en communauté sans possessions propres. Les auteurs les plus connus de l’époque, Ambroise de Milan (340-397), Jean Chrysostome (vers 349 - 407), Augustin d’Hippone (354-430) mettent l’accent sur le comportement moral mais se garde de prôner des activités qui risquent de mettre en danger la cohésion sociale. Les Chrétiens doivent donc agir charitablement, mais ils ne doivent pas se mettre dans une situation précaire. De plus, on voit l’obligation de travailler dans ces textes patristique qui est absent de la Bible. Toute richesse doit donc être le résultat du travail et non pas de pratiques comme l’usure.


L’Islam médiéval

Beaucoup d’études de l’histoire de la pensée économique néglige d’évoquer l’Islam. Si les auteurs les plus célèbres de la théorie économique moderne n’ont pas été directement influencés par la religion musulmane, l’apport de l’Islam ne doit passer sous silence. En effet, sans l’Islam, la culture grecque et romaine auraient disparue après la chute de l’Empire Romain. Les invasions barbares détruisent toute la civilisation antique en Europe, ne laissant que les plus grands monuments (arènes, théâtres, ponts, aqueducs) trop massifs à démonter. La tradition intellectuelle hellenistique et romaine ne survit que grâce à l’essor de l’Islam.
Mohammed (570-632) avait fondé une religion qui se propage aux VIIème et VIIIème siècles pour enfin couvrir un espace énorme, du Maroc au Pakistan. Cette conquête arabe, visant l’expansion et l’unification de peuples très différents, s’est traduite par un essor économique, politique, et culturel. La conquête à introduit une paix relative et des liens entre peuples qui favorisent les échanges. Pour gérer un espace aussi vaste et varié, les institutions centrales deviennent de plus en plus sophistiquées, et une grande place est accordée à l’étude et au savoir.
Les intellectuels arabes se considéraient comme les héritiers du la culture hellénistique et se sont mis à transcrire et à traduire les textes grecques. Les plus grands esprits de l’époque tentaient d’interpréter la philosophie grecque à travers la religion musulmane. Al Farabi (870-950) rédige Une thèse sur la politique qui a été directement inspirée par Platon. Ibn Sina, dit « Avicenne » (980-1037) se base sur Aristote dans son Livre de la politique. Ibn Rushd, dit « Averroès » (1126-1198), peut-être le plus célèbre des intellectuels de l’époque, connu et respecté en Occident, aussi essayait de trouver la concordance entre la raison philosophique et la moralité du Coran. Al Biruni (973-1050), quant à lui, se penchait sur le rapport entre population et ressources, un thème qui sera rendu célèbre par Thomas Malthus.
En gros, les thèmes sont les mêmes que dans l’antiquité grecque. On condamne les monopoles et l’usure (les prêts à intérêts sont encore interdits par la loi charia). Et comme cela a été le cas en droit romain, le juste prix doit fluctuer naturellement et ne doit pas subir l’intervention des hommes.


Le Moyen Age en Occident

La période la plus importante pour nous est la bas Moyen Age Occidental. La tradition intellectuelle développée à cette période s’est poursuivie jusqu’à nos jours sans interruption. En effet, c’est à cette époque que se sont établies les premières universités qui existent encore aujourd’hui et qui sont les centres d’activité intellectuelle en matière de pensée économique.
Le contexte 

Le Haut Moyen Age (Vème-Xème siècles) avait été marqué par la chute de l’Empire Rome, les invasions barbares, la fragmentation et l’insécurité. Cette instabilité génère une dégradation économique et technique sévère. Certaines périodes étaient marquées par plus de stabilité et un léger essor économique et culturel, notamment sous Charlemagne (742-814). Mais le vrai développement n’a pas eu lieu avant le XIème siècle.
Une certaine paix intérieure en Europe a été retrouvée quand les guerriers se sont mis à guerroyer en Palestine contre les Musulmans lors des Croisades (1095-1291). Cette stabilité intérieure favorisa la un essor économique et démographique. Les Croisades ont aussi fait développer le commerce international. Des foires internationales, comme celle de Champagne, ont aussi encouragé le commerce. Cette croissance économique et démographique a entraîné la sophistication des gouvernements ; le pouvoir royal reposait de plus en plus sur le parlement, les conseils et une administration fiscale et juridique. L’Eglise aussi a grandi à cette époque et des universités ont été fondée au XIIème siècle à Paris (théologie), Bologne (droit), Montpellier (médecine), Oxford, Cambridge, etc. Lors des Croisades, des textes antiques, depuis longtemps perdus en Europe, ont été redécouverts et traduits en latin pour une large diffusion auprès des universitaires européens.
La croissance économique et démographique s’est ralentie vers la fin du XIIIème siècle et les conflits armés au sein de l’Europe ont augmenté. Des conflits en Italie ont empêché Clément V, élu pape en 1305, de prendre son poste à Rome ; il s’installe donc à Avignon où toute l’administration papale est resté pour presque 70 ans. En 1337, Edward III, descendant direct d’Eleanor d’Aquitaine, se déclare héritier de la monarchie française, commençant la Guerre de Cents Ans entre l’Angleterre et la France.
Puis, en 1348, la Peste noire sévit en Europe, en Afrique du Nord, au Moyen Age, emportant environ 40% de la population partout. Ce déclin démographique brutal ont créé une panique générale et ont entraîné un désordre sans précédent sur les marchés. Le nombre de consommateurs radicalement en baisse, les stocks restant stables, les prix chutent. Mais pendant l’épidémie, personne ne voulait ou ne pouvait travailler, réduisant dramatiquement la production. Surtout, la quantité monétaire restant stable (car l’argent ne meurt pas), la masse monétaire par personne double, entraînant une hausse radicale de prix et de salaires. Ce bouleversement économique pousse les autorités à agir en fixant les prix et les salaires, en obligeant les membres de la classe laborieuse à travailler, en interdisant l’aumône aux personnes physiquement capable de travailler, etc. Les Etats doivent restructurer leur système fiscal pour prendre en compte la baisse démographique. Le déclin économique perdure jusqu’à la fin du XVème siècle.

Les auteurs
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