«Les couventines» «Celui qui est maître de l’éducation peut changer la face du monde.» Leibnitz Introduction





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NOTRE-DAME




La Rentrée


Je ne me suis jamais préparée aux rentrées. Au contraire, je m’efforçais de ne pas y penser jusqu’à la dernière seconde. L’attente de la première ne fut donc pas la plus pénible. Ne sachant rien, n‘imaginant rien, ce fut une chute dans l’inconnu.

De même que j’évitais ainsi la souffrance antérieure à l’événement, j’ai chassé de ma mémoire les souvenirs trop douloureux. Je dois, aujourd’hui, examiner les photos de cette époque pour me remémorer cette première entrée en pension.

Dans la grande cour du pensionnat toute animée par l’arrivée des élèves et de leur famille stationnent des tractions avant à gazogène, des carrioles attelées de chevaux déversent des jeunes filles venues de la campagne environnante.

Les photos d’alors montrent ma famille endimanchée : mon père, jeune et mince, il a trente-six ans, a très exceptionnellement quitté ses clients pour m’accompagner. Ce seul fait indique combien l’événement a d’importance. Maman arbore un élégant turban fort à la mode en cette fin de guerre. Elle est discrètement enceinte. Ma grand-mère nous accompagne, chapeau et manteau noirs, très solennelle. Seul mon frère, de trois ans mon cadet sourit avec espièglerie. S’il savait ce qui m’attend, nul doute qu’il dirait : - « c’est bien fait », trop content de savoir sa chipie de sœur en difficulté. Nous sommes vêtus tous les deux de la même façon : ce manteau jaune poussin qui me semble charmant aujourd’hui mais qui, alors, me faisait honte. Dans mes vêtements « du dimanche » et avec un gros ruban dans les cheveux, j’ai un air alangui, profondément triste. Je sens l’insupportable séparation approcher.

Une place m’a été assignée au milieu du dortoir « de l’Enfant Jésus ». Mes affaires de toilette ont été vite rangées dans la table de nuit. Le trousseau neuf qui m’avait enchantée précédemment ne m’est plus d’aucune consolation, je n’en aurai pas la libre disposition. Une religieuse le fait disparaitre dans la lingerie, elle ne me distribuera, selon son choix, qu’un « change » par semaine.

Alentour, d’autres mères aident leur fille à s’installer, chaque famille confinée dans l’espace étroit des deux lits voisins. On s’observe discrètement. Certains se saluent. Les anciennes se retrouvent avec joie. Moi je ne connais personne. Tout m’est étranger : les lieux, les gens, les bruits, les odeurs. Les fillettes m’intimident par leur nombre et leur vivacité.

Ces petits rangements terminés et mon linge abandonné à la religieuse responsable, nous attendons… Mes parents partagent ma tristesse, ils veulent rester le plus longtemps possible. Nous sommes inoccupés. L’après-midi s’étire lugubrement dans l’attente de leur départ. Nous avons vu ma classe, ma place au réfectoire. Il ne nous reste plus qu’à déambuler dans la cour. Ma grand-mère et ma mère revivent des rentrées lointaines et devinent ma détresse. Pour éviter mes larmes, elles remplissent le silence de recommandations mille fois répétées :

- « Travaille bien, sois sage, ne perds pas tes affaires. »

Une religieuse, ancienne élève qui a connu ma mère autrefois, vient lui parler. Maman lui explique mon désarroi :

- « Je vous la confie. »

La mère promet de s’occuper particulièrement de moi. Maman se rassure un peu. Moi aussi, un tout petit peu.

L’heure de la séparation est arrivée, mes parents me quittent. Je regarde la voiture franchir la grille et disparaître. Je me sens couler. Je ne suis plus que larmes. Abandonnée, je reste appuyée au mur après le départ de ceux que j’aime, le pouce dans la bouche, secouée de sanglots, entourée d’étrangers.

Mère Jean-Marie Vianney, sans un mot pour moi se débarrasse du fardeau que je représente. Elle interpelle une « grande » élève de troisième et lui refile l’encombrante petite fille :

- « Voici Annick Rivierre, je vous désigne pour être son ange gardien, occupez-vous d’elle. »

L’amie de maman s’éloigne soulagée, je ne la reverrai plus. Quant à mon « ange gardien » on l’a dérangé au moment passionnant où il retrouve ses amies après les longues grandes vacances. Il m’examine d’un air perplexe, me recommande de l’appeler en cas de difficulté… et s’envole. Lui non plus je ne le reverrai jamais. D’ailleurs, il n’a pas eu le temps de me dire son nom et je pleure trop pour le reconnaître si je savais où le trouver.

La cloche sonne lourdement, première cloche. Comme un automate, je suis les autres et j’entre dans le rang qui vont me conduire à la chapelle pour la prière de rentrée, première prière. Je vais devenir une petite fille sage, si sage, obéissante, passive, douloureuse, pas encore anesthésiée.

L’année scolaire commence…

Alleluia
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