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Les ParentsLes religieuses gardent la nostalgie d’une clientèle plus noble que bourgeoise, les parents des demoiselles à particule sont entourés de plus de déférence que les autres. On est flatté de compter dans les rangs telle ou telle de petite ou grande noblesse. Si, consciemment, aucune différence n’intervient dans l’éducation des jeunes filles, les parents sont reçus, eux, selon leur mérite. Les aristocrates sont les amis de l’institution et traitent en égaux avec la Révérende Mère, les autres ont droit à la même politesse mais plus distanciée, plus guindée, sans la chaleur de la sympathie ou le sourire de l’amitié. Sauf si d’autres intérêts entrent en jeu. À Flers, chez les dames de Saint-Maur le député M.R.P de l’époque est reçu en bienfaiteur et sa fille plonge tout le monde dans l’embarras lorsque son comportement oppositionnel l’entraîne à des attitudes qui, normalement, seraient passibles d’un renvoi. On raisonne, on négocie, on patiente, rien n’y fait. La demoiselle s’entête. L’autorité montre sa faiblesse en tergiversant. Finalement, au grand désespoir de l’institution, il faudra lui conseiller de partir vers un autre établissement. Pas de renvoi, pas d’esclandre, on tient à garder la protection d’un père aussi puissant. À Orbec une jeune fille décède. À l’instigation des religieuses, nous multiplions les messes, neuvaines, prières en tout genre auxquelles le pensionnat entier se doit d’assister. Une autre fillette meurt au cours des vacances dans un accident de la route. Pour elle, une messe basse suivie seulement par ses anciennes compagnes de classe. Pourquoi une telle injustice de traitement devant la mort ? Dans le premier cas, la responsabilité de l’établissement risque d’être mise en cause (il y a eu un empoisonnement général par une nourriture avariée) il faut donc se concilier les parents. Dans le second, aucune attaque déplaisante n’est à redouter. De plus, les parents de la première jeune fille portent particule, tandis que la seconde est fille de paysans. Suis-je la seule à voir ces différences ? Les interprétations que je donne de ces faits observés à l’âge de douze ans sont peut-être erronées après tout. Le premier deuil vécu intra-muros a été plus traumatisant pour la communauté que le second. D'aucuns diront que je fais du « mauvais esprit » à comptabiliser ainsi les prières pour les défunts… L’ascendance noble, la puissance des parents ne sont pas les seuls critères qui mettent de subtiles nuances dans les relations des petites filles avec les religieuses. La fortune familiale pèse aussi son poids. À Flers encore, une élève de ma classe, de vieille noblesse refuse obéissance à la surveillante d’étude sur un point tout à fait insignifiant. L’appel à de plus hautes autorités n’y change rien. Elle s’entête, refuse les excuses qu’on lui demande. Nous assistons médusées à l’intransigeance des religieuses pour un fait aussi anodin. Nous sommes atterrées devant l’ampleur que prend le conflit. Rien n’est fait pour le dédramatiser. Au contraire, la jeune fille est mise en quarantaine (c'est-à-dire en prison dans une pièce spéciale qu’elle ne quitte que pour quelques tours de cour lorsque toutes les autres élèves sont en classe. L’isolement est total). Nous essayons de lui glisser des petits mots et des sucettes sous la porte. Nous la soutenons, prêtes à fomenter une rébellion. À notre grande surprise, elle-même refuse de nous répondre. Le bruit court qu’il y a d’autres raisons que l’incident que nous connaissons. Pourtant nous vivons si proches les unes des autres que rien ne nous échappe… Cependant cette vague rumeur nous amène aux pires suppositions et tempère notre sentiment d’injustice. La révolte se fait hésitante. Au bout de deux ou trois semaines notre camarade disparaît, renvoyée ainsi que sa sœur sans que nous ayons pu la revoir, sans un « au revoir ». Des années après, j’apprendrai que ses parents ont eu de graves difficultés financières. Sont-ils endettés par rapport à l’institution ? C’est l’explication la plus plausible. Je soupçonne mon amie de s’être sabordée pour mettre fin à une situation intenable. Plus tard, alors que nous sommes toutes les deux des femmes adultes, au cours de rencontres impromptues elle me fuira, regards lointains, malgré nos bonnes relations antérieures. Trop de souvenirs douloureux, trop d’humiliations… Les religieuses ont d’autres a priori concernant les parents de leurs élèves. Je suis priée de ne pas fréquenter la famille de Christiane et de n’accepter aucune invitation. Je suis atterrée et je ne sais quoi répondre à la gentille invitation à dîner de sa maman qui remarque ma détresse et ma solitude au départ de mes parents. Mon père me sauve de cet embarras en acceptant l’invitation qui m’est faite, malgré la mise en garde de nos éducatrices. Les parents de Christiane vont se séparer quelques temps plus tard et le divorce est scandaleux. Ainsi, c’était la raison de cette interdiction, il m’a fallu des années pour la comprendre. Les religieuses par leur condamnation sans explication laissent soupçonner les pires choses… Chez Christiane, à ce repas de fête simplement joyeux où je suis invitée, je suis inquiète. On m’a recommandé de me méfier sans me dire de quoi, je ne sais d’où peut venir ce danger inconnu. J’ai dix ans. Plus on essaye de me mettre à l’aise, plus je me ferme. Je deviens maussade, j’ai envie de pleurer, j’ai peur, je veux rentrer à la pension. « Comme elle est timide ton amie ! » Mes parents sont également inquiets… ils n’auraient peut-être pas dû donner cette autorisation. Ils téléphonent le soir pour savoir si je suis bien rentrée… Plus ou moins nous sentons toutes ces nuances et l’ombre des parents s’étend sur leurs filles modifiant le regard qui les découvre. Pas d’injustice, bien sûr, entre les élèves, mais une façon subtile de manier l’autorité entre indulgence et sévérité, des pardons faciles ou des exaspérations, une même peccadille amuse ou irrite. À moins qu’elles aient été les bénéficiaires de ces relations privilégiées, les anciennes que j’interroge se souviennent et mentionnent ces différences et l’évidente révérence manifestée par les religieuses aux familles nobles. Les réputations des élèves se font vite et sont tenaces. L’évolution psychologique des fillettes est rapide mais les éducatrices, encombrées de leurs idées préconçues, ne la suivent pas. D’une année à l’autre, nous traînons des jugements qui ne correspondent plus à ce que nous sommes devenues et je me sens à l’étroit dans le regard porté sur moi depuis mon arrivée, comme si, à douze ou treize ans, je portais encore le corset rose de ma première rentrée. Voilà l’appréciation que j’imagine me concernant à travers le regard porté sur moi : « Celle-ci, molle, pas très éveillée, terne. Résultats scolaires médiocres. Nous ne pouvons rien en attendre. Bonne famille pourtant (la mère est une de nos anciennes élèves) mais famille moyenne, sans prestige. Nous nous débarrasserons facilement et sans regret de cette enfant ». |
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