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Thomas. BordonaliFabien. VarlotUniversité de Reims Champagne-ArdenneUFR de Droit et de Science PolitiqueSur le thème: Les interventions économiques des départements et régions Séminaire de M. Hervé. Groud Introduction générale: La question économique est une des préoccupations fondamentales de nos sociétés depuis toujours mais plus particulièrement depuis le milieu du XVIIIème siècle. Ainsi, l’essor du capitalisme qu’on peut situer en 1750 dans les écrits de K. Marx en corrélation avec l’évolution des moyens de transports a profondément bouleversé l’ensemble du système économique mondial. Il convient également d’insister sur l’impact de la mondialisation1 qui apparaît comme un des facteurs essentiels de l’évolution de nos sociétés modernes et d’une économie de plus en plus prégnante. La France n’a pas échappé à cette vague économique majeure. Avant de rentrer dans le cœur du sujet, à savoir les interventions des collectivités territoriales dans le contexte des lois de Décentralisation successives, il convient de revenir sur la situation antérieure aux Lois Mauroy-Defferre de 1982. Ainsi, avant ces différentes lois, les relations entre les collectivités et l’économie ont longtemps été appréciées à travers ce qu’il est convenu d’appeler « l’interventionnisme économique », c'est-à-dire le moment où la collectivité publique intervient dans un domaine réservé à l’initiative privée, très soumis à des conditions restrictives voir à une interdiction totale d’intervention de celles-ci, définie par la jurisprudence administrative. Plusieurs préoccupations apparaissaient dans les décisions du juge administratif, à savoir, respecter les règles de la concurrence, ne pas fausser les règles du jeu commercial et enfin sauvegarder les finances locales contre les risques financiers encourus dans une gestion de type privé. Plusieurs arrêts du Conseil d’Etat, marquent avant 1982 des évolutions importantes. Celui-ci à ainsi admis qu’une commune pouvait créer un service dès lors que son prix était plus modique et ses conditions plus favorables que ceux du secteur privé2. Dans le même esprit, le Conseil d’Etat a admis des interventions des collectivités locales dans le secteur économique car elles se rattachaient à un service public de nature administrative3. Rapidement, face à une évolution des comportements et une nécessaire Décentralisation, les acteurs économiques que sont les collectivités territoriales ont vu leurs compétences accrues. Ainsi, toutes les collectivités territoriales exercent des compétences économiques à leur niveau mais ce sont les régions qui depuis les lois Defferre-Mauroy de 1982, renforcé par l’ « Acte II » de la Décentralisation et plus particulièrement la loi du 13 août 2004 (entre 1982 et 2004, textes de loi et circulaires auront pour objet de « recadrer » le droit des interventions économique des collectivités territoriales4) sont considérées comme les « moteurs » de l’économie française. Elles deviennent des « chefs de file » (bien que cette notion soit aujourd’hui vidée de sa substance, nous le verrons plus loin) dans le domaine économique et contribuent notamment à l’aide aux entreprises et l’emploi (insertion professionnelle, apprentissage…) pour ne citer que ces quelques exemples. Ainsi cette notion de « chef de file » pour être plus clair, devait permettre aux régions d’établir des schémas régionaux de développement économique, visant à effectuer un diagnostic global5 des interventions économiques sur le territoire. Les gouvernants voulaient en faire une garantie de simplicité et de cohérence dans le cadre de leurs politiques publiques. La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales visait à faire de ces collectivités des « guichets uniques » afin de permettre aux entreprises de ne s’adresser qu’à un seul échelon en matière d’aides au financement. Cette volonté s’est toutefois résumée à une réalité théorique. La compétence économique est en effet éclatée entre tous les échelons locaux. Malgré tout, les régions disposent d’un pouvoir économique plus important que les autres échelons locaux tant au niveau financier que du point de vue de leurs compétences. L’accent sera donc mis sur l’impact du « régionalisme économique » en corrélation avec les interventions des autres collectivités, accompagné de critiques afférentes à un système qui reste très perfectible. Les départements et les communes interviennent également dans le développement économique. C’est le cas des départements, notamment, dans le contexte des aides au développement des entreprises et dans la revitalisation des bassins d’emploi. En ce qui concerne les communes, leurs interventions sont plus limitées au regard des budgets de certaines d’entre elles mais aussi de leurs capacités financières. Elles sont sollicitées la plupart du temps dans la revitalisation des commerces de proximité. Les interventions économiques communales seront donc volontairement mises de côté afin de favoriser les deux autres échelons locaux que sont les départements et surtout les régions qui occupent une place plus marquée dans le « paysage économique » français. Autre pan important de l’action économique des départements et des régions, la diversité de leurs interventions6. Tout ne pourra être listé pour éviter de tomber dans une présentation « catalogue » de leurs compétences économiques. Ainsi, les aides aux entreprises constituent une des compétences économiques les plus importantes des régions et feront ainsi l’objet d’une étude plus approfondie, les pôles de compétitivité seront également mis en avant. Toujours dans cet esprit de rationalisation du sujet, les contrats de plan Etat-Région et l’importance économique des régions au niveau européen7 seront laissés de côté. La volonté de problématiser le sujet autour du fonctionnement économique local, quant à l’impact des politiques des départements et des régions dans ce domaine et les critiques qu’on peut émettre à l’encontre de leurs interventions constituera l’essence de ce devoir. Dans quelle mesure, L’intervention économique des collectivités territoriales présente encore un impact limité en droit interne français ? L’échelon régional constitue la collectivité de référence dans le secteur économique tant du point de vue financier que de ces interventions, conséquences des différentes réformes successives de la Décentralisation. Des critiques de l’impact de celles-ci sur le territoire français peuvent être mises en avant face à une action critiquée comme insuffisante et trop limitée. Les départements, bien qu’ayant une compétence plus réduite dans ce domaine restent des acteurs du développement économique (I). Les aides aux entreprises, compétence principale des régions au regard des dépenses qui y sont consacrées (plus de 6 milliards d’euros versées aux entreprises en 2004) constituent un pan fondamental des interventions économiques régionales en dépit d’une hétérogénéité des aides et des financements à l’origine d’une complexité évidente du système. Enfin, les pôles de compétitivité sont aussi une composante importante du développement économique territorial sur laquelle il conviendra de revenir. La faible influence du droit communautaire sur le droit national français en matière d’action économique est un dernier point qui sera étudié en parallèle afin de corroborer le retard français dans ce domaine (II). I. La « Décentralisation économique » française : conséquence de l’évolution de nos sociétés modernes : Les lois de Décentralisation marquent une volonté manifeste d’améliorer les dispositifs locaux d’intervention économique autour d’un renforcement du rôle de la Région. Aujourd’hui des critiques sont émises à l’encontre d’une action encore trop limitée de celle-ci et d’un rôle de « chef de file » ambiguë (A). Le Département joue lui aussi un rôle qu’il convient d’évoquer. Il reste cependant résiduel au regard de sa faible activité dans ce secteur (B).
1. Une volonté limitée de faire des régions les « moteurs » de l’économie française : Les régions ont vu leur poids dans le paysage économique français évoluer au fur et à mesure des réformes de la Décentralisation. Des lois de 1982 à la dernière loi du 13 août 2004, il convient de revenir sur ces étapes importantes mais c’est notamment cette dernière qui retiendra notre attention. Ainsi, eu égard à leur rôle renforcé dans le domaine économique depuis les lois de 1982 (Acte I de la Décentralisation) mais limité, ces lois ne marquent finalement que l’émergence de la Région en tant que collectivité territoriale8 et sont constitutives d’un demi-échec de rénovation, les régions vont voir leurs compétences évoluer au fur et à mesure des années. L’objectif était de faire de la Région le « pivot9 du développement économique» des collectivités territoriales mais l’évolution a été tardive, il faudra attendre 10 ans (période jalonnée de textes divers10 qui n’apporteront que des petites « retouches » aux interventions économiques des collectivités) pour voir une nouvelle loi avancer dans le domaine du développement économique. Cette modification est intervenue avec la réaffirmation du rôle de la Région et des aides économiques directes par la loi relative à la démocratie de proximité11 qui ne vient que partiellement renforcer son poids dans le paysage français. Mais c’est sur la dernière étape qu’il convient d’insister, notamment, car il s’agit à l’heure actuelle de l’une des dernières avancées significatives par la volonté qu’elle a eu de donner naissance à la notion de « chef de file ». La loi du 13 août 200412 réaffirme les régions comme des « leaders » dans ce secteur, elles sont à l’origine des dépenses les plus importantes et ce n’est finalement pas une surprise tant cela a pu être mis en avant. Une Etude récente de la Direction générale de la comptabilité publique13 met en exergue l’augmentation des sommes consacrées au développement économique. Il ressort de cette étude une augmentation de 7,8% des dépenses (consacrées à l’action économique) entre 2002 et 2004. Cette étude préalable à la loi du 13 août 2004 permet de démontrer que les collectivités territoriales ne relâchent pas leurs efforts dans le domaine de leurs interventions économiques. Mais ce qui est important, c’est la volonté de faire de la Région le « chef de file » et la coordinatrice des politiques économiques sur le territoire. Cela renforce en parallèle les aides versées dans le but de valoriser son rôle. Si en apparence, le système semble moins complexe et favoriser la simplicité et la cohérence, la réalité locale laisse transparaître des difficultés récurrentes dans le système local français très montrées du doigt depuis quelques années. Pour être plus clair, lorsqu’une entreprise cherche à s’installer, elle doit solliciter plusieurs acteurs et finit par passer par tous les échelons pour mettre en place son projet. Par exemple elle doit solliciter la ville pour la viabilisation gratuite d’un terrain par exemple, le Conseil général pour l’extension de la route départementale jusqu’à son site de production et le Conseil régional pour les aides à l’embauche. La loi du 13 août 2004 vient apporter des avancées dans le domaine. Tout d’abord et nous y reviendrons plus tard dans cet exposé, celle-ci supprime la distinction entre aides directes et indirectes afin de tendre vers plus de cohérence et simplicité. Deuxième point important, la loi confirme le rôle de « chef de file » de la Région dans le domaine économique. Le projet du gouvernement visait à limiter les possibilités d’intervention des communes et des départements aux aides à l’immobilier14. Celui-ci ne voulait plus laisser d’espace de liberté en matière d’aides indirectes et voulait supprimer les possibilités qui existaient pour les collectivités de se fonder sur la clause générale de compétence. Au premier regard, on pourrait penser que cette avancée législative de premier ordre « rénove15 » le droit économique des collectivités territoriales. La réalité en est toute autre. 2. La Région : un chef de file en trompe l’œil du développement économique : Tout d’abord, en ce qui concerne la notion de « chef de file », celle-ci est ambiguë, certains observateurs au premier rang duquel on peut citer J-M. Pontier16 ou G. Marcou17 parlent d’une notion « mort née ». Ainsi, plusieurs formules de style vont voir le jour sur une notion oh combien énigmatique au regard du droit français qui interdit à travers l’article 72 alinéa 5 la tutelle d’une collectivité sur une autre. Ainsi, le chef de file se doit de prendre en charge un projet d’aménagement économique pour prendre l’exemple de la Région, afférent à un ensemble de collectivités territoriales. Et c’est là tout le problème de cette notion face à la reconnaissance constitutionnelle de la non tutelle d’une collectivité sur une autre. Il existe cependant des exceptions à ce principe. Après ce petit aparté nécessaire à la bonne compréhension de la notion de chef de file, il est nécessaire de se pencher sur la notion, appliquée au développement économique des régions et au constat pratique d’une collectivité finalement coordinatrice des grands projets par le biais des schémas de développement économique18. Ce constat est lié aux travaux du Sénat qui a finalement réécrit le chapitre consacré au développement économique, La Région en a perdu de facto son statut de « responsable » au détriment de celui de « coordinatrice ». Par conséquent, le schéma régional de développement économique perd son caractère contraignant et la notion de « chef de file » apparaît comme vidé de sa substance. Les parlementaires sont certainement restés méfiants à l’égard d’un pouvoir économique concentré aux mains d’une seule entité locale. Cette logique conduit inévitablement à une compétence éclatée entre les différents échelons locaux, sources de complexité et d’enchevêtrement. Dans les travaux préparatoires, les parlementaires considéraient que le schéma régional instituait « un degré supplémentaire de suprématie19 du conseil régional ». Pour faire simple et pour résumer la situation, la collectivité régionale a été rétrogradée au rang de coordinatrice des politiques économiques sur le territoire et n’est pas devenue une collectivité hiérarchiquement plus importante20 que les deux autres dans le secteur économique. Le rôle de la Région est donc doublement limité. Dans un premier temps, le terme coordonner est suffisamment large pour éviter une tutelle d’une collectivité sur une autre. De plus le conseil régional doit établir un rapport d’évaluation des aides des collectivités versées aux entreprises sur son territoire et le transmettre au préfet de Région afin que l’Etat puisse remplir ses obligations au regard du droit communautaire. Dans un deuxième temps, l’article L. 1511-1 du CGCT21 précise que la Région coordonne les actions de développement économique sous réserve de « l’action incombant à l’Etat ». Enfin l’Etat garde la main22 mise sur certains domaines de compétences transférés aux régions. Le constat est donc sévère pour les régions, en dépit d’une volonté des gouvernants de les rendre plus importantes sur la scène locale française. Face à ce texte très limité finalement, les régions ne sont pas des « chefs de file » au sens premier du terme. Pour corroborer ces arguments, les régions sont opposées récemment à la circulaire du 25 mars 2005 visant à restreindre un peu plus les conditions d’élaboration des schémas de développement économique. Dans le contexte de cette circulaire, l’Association des Régions de France considérait que les services de l’Etat sont trop présents dans le processus d’élaboration, plus précisément par le biais du préfet. Enfin, dans le domaine du versement des aides aux entreprises, celles-ci reprochent que les périmètres soient déterminés arbitrairement et à priori. Ainsi, et selon une étude récente de la Direction générale de la comptabilité publique du ministère des finances, les régions ne disposent que de 35% des budgets de l’action économique territoriale. C’est encore un facteur d’une Décentralisation des compétences limitée envers les échelons locaux. Bien que limité, cette action reste fondamentale notamment dans les aides économiques aux entreprises. La Région Rhône-Alpes a mis en place dès 2003 une politique de « clusters », ce qui explique par la suite le fait que le territoire ait eu droit à 15 pôles de compétitivité labélisés. Autre exemple, pour l’année 2007, la Région Poitou-Charentes a permis par sa politique économique le développement de 1700 emplois et la formation de 2700 salariés23. Les actions sont multiples et variées, il est peut être temps de faire de la Région un véritable « chef de file » du développement économique. Le dernier projet de loi relative à la réforme des collectivités territoriales ne semble cependant pas se diriger dans cette voie24.
A l’échelon départemental, l’action économique est certes moins importante mais elle n’en reste pas moins intéressante au regard de plusieurs facteurs : la proximité de la collectivité en lien avec les acteurs et projets économiques, les relations qui existent entre l’action économique et les compétences sociales25 de celui-ci, le lien qui unit économiquement le Département et la Région26. Il apparaitrait donc réducteur de se limiter à une critique du Département comme acteur de second rang du développement économique. |