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CriminologieEXPOSÉ : Les politiques publiques relatives à l’alcoolINTRODUCTION « Le problème de l’alcoolisme est celui à propos duquel l’intérêt général le plus évident s’oppose au plus grand nombre d’intérêts particuliers ». Voici les propos d’un parlementaire en 1911. Cette vision semble malheureusement toujours d’actualité ! Selon la définition du glossaire d’alcoologie du haut comité d’étude et d’information sur l’alcoolisme, « l’alcoolisme est un état pathologique lié à une consommation d’éthanol qui par sa fréquence et / ou son intensité est dangereuse pour l’individu. On distingue généralement trois catégories de personnes :
La consommation d'alcool en France et en Europe est un phénomène culturel mais aussi un problème majeur de santé publique. Consommé de façon régulière et à haute dose, l'alcool tue plus de 45 000 personnes par an dans l'hexagone. On estime à 5 millions le nombre de personnes ayant des difficultés médicales, psychologiques et sociales liées à leur consommation d'alcool. En France, on consomme en moyenne 15,6 litres d'alcool pur par an et par personne, soit l'équivalent d'environ 173 bouteilles de vin. Selon J.C. Thoenig, « une politique publique se présente sous la forme d’un programme d’action propre à une ou plusieurs autorités publiques ou gouvernementales ». Depuis quelques dizaines d’années, et particulièrement depuis la loi Evin du 10 janvier 1991, les pouvoirs publics s’attachent à lutter contre la consommation excessive d’alcool, et ce dans un souci de santé publique. Ses objectifs, repris par les lois ultérieures, sont : l’amélioration de l’information du consommateur, la réduction de l’incitation à la consommation d’alcool, ainsi que de l’offre, et la protection des mineurs. Néanmoins, malgré leur volonté affichée de mener à bien leur politique, la réalité de cette action apparaît sensiblement différente. En effet, ils doivent faire face à différentes contingences, tant culturelles qu’économiques, qui viennent nécessairement limiter leur action. Ils manquent en outre d’une certaine liberté d’action due particulièrement à certains lobbies, très puissants et très influents dans le domaine de l’alcool. En effet, selon Roland Barthes : « le vin est ressenti par la nation française comme un bien qui lui est propre au même titre que sa culture ». En outre, le marché du vin fait vivre de nombreux petits exploitants pratiquant la monoculture et qui bénéficient pour maintenir leurs exploitations, de salutaires subventions…étatiques! Quant à eux, les lobbies tels que « Entreprise et prévention » (Pernod-Ricard, Louis-Vuitton, Moët-Hennessy, Berger) jouent un double jeu en exerçant d’un côté des pressions sur le gouvernement pour voir assouplir la législation notamment en matière de publicité et de taxes, et d’un autre côté en menant des actions de prévention aux côtés des pouvoirs publics, particulièrement auprès des jeunes (action « Soif de vivre »1 inaugurée à Nancy en mai 93). Cependant, les difficultés que les pouvoirs publics rencontrent à mettre en œuvre une politique publique cohérente et efficace, ne préjugent pas, semble-t-il, de leur mauvaise volonté, en dépit d’une certaine schizophrénie de l’Etat. Malgré les obstacles, ils ont développé différents moyens afin de soutenir leur politique : une réglementation stricte relativement au commerce, à la consommation et aux taxes sur l’alcool (I), des mesures de prévention et de prise en charge des malades (II), ainsi qu’un régime répressif s’appliquant à ceux qui auraient commis un abus de boissons alcoolisées (III). I/ La réglementation de l’alcool : entre rigueur et assouplissementLa réglementation en matière d’alcool balance entre deux objectifs a priori contradictoires : d’un coté un objectif sanitaire de prévention et de lutte contre l’alcoolisme, et de l’autre un objectif économique notamment sous la pression des lobbies. L’équilibre entre les deux est difficile à maintenir. C’est pourquoi on a pu observer différents mouvements : tantôt des mouvements de durcissement de la réglementation, tantôt des mouvements d’assouplissement. Aujourd’hui encore ces deux mouvements et objectifs s’entrechoquent. C’est ce que nous allons voir au travers de trois domaines de la réglementation de l’offre d’alcool.
A/ Les taxes sur les boissons alcooliséesEn France, la fiscalité des boissons alcoolisées, sous l’influence du droit communautaire, est caractérisée par des taxes différenciées selon les produits : (La réglementation du commerce des boissons alcoolisées repose sur une classification des boissons en 5 groupes (article L 3321-1 du CSP): 1° les boissons sans alcool ; 2° les boissons fermentées non distillées (vin, cidre, bière…) ; 3° les vins doux naturels autre que ceux appartenant au groupe 2 et ne titrant pas à plus de .18 degrés d’alcool pur ; 4° les rhums, tafias… ; 5° les autres boissons alcooliques) Pour mettre fin à l’incohérence de cette répartition, une proposition du rapport de l’Assemblée nationale sur l’alcool et la santé fut présentée par Mme Mignon en juin 1998 : « Pour mettre un terme à un régime fiscal sans cohérence avec le titre alcoolique des boissons et dans la logique d'une taxation inspirée par un souci de santé publique, la mission propose d'adopter un système de taxation proportionnelle au degré alcoolique des boissons (…)». Un tel système d'augmentation de la pression fiscale aurait un effet très fort sur la consommation sans pour autant diminuer de manière considérable les recettes fiscales. Cependant cette proposition n’a pas été suivie d’effets. Mais certaines boissons sont soumises à une taxation poursuivant des finalités spécifiques de santé publique : Ces taxes remplissent une double fonction préventive et réparatrice :
On en trouve un exemple en 1997, un dispositif visant à surtaxer les boissons dites « premix » avait été adopté. Ce texte a entraîné le doublement du prix de ces boissons et permis de stopper leur émergence. Une disposition de la Loi relative à la politique de santé publique (9 août 2004) vise à élargir le dispositif de taxation des « premix2 » aux nouvelles boissons dites « alcopops3 », alcools très prisés des jeunes, de façon à limiter leur consommation. Le député Yves Bur, à l’origine de l’adoption de cette taxe, affirmait en janvier 2006 que « les chiffres disponibles montrent que la progression des ventes est stoppée. Mieux, elles diminuent. Ainsi les volumes sont en baisse de 40 % sur les six derniers mois ».
C’est par exemple le cas de la Cotisation sur les boissons alcooliques. (L. 19 janvier 1983 ; Art. L. 245-7 à L. 245-12 C. de la Sécurité sociale) Elle est acquittée au profit de la Caisse nationale d’assurance maladie. Elle participe au financement des dommages causés par l’alcoolisme à l’assurance maladie. Elle s’applique à la livraison aux consommateurs de boissons d’une teneur en alcool supérieure à 25° et est acquittée par les producteurs et marchands en gros. Un autre exemple est celui de l’affectation d’une partie du droit de consommation sur les alcools à l’assurance maladie. (L. de financement de la Sécurité sociale pour 1997) 40% des droits de consommation doivent être versés aux régimes obligatoires d’assurance maladie Ces taxes remplissent donc bien leur objectif avancé de lutte contre l’alcoolisme. Mais à l’inverse des freins existent, et ils sont nombreux. En voici quelques uns : En France :
Au niveau européen :
L’Etat est donc dans une position ambiguë car les buts financiers des taxes s’opposent à leurs objectifs sanitaires. En effet, plus un impôt sur l’alcool est élevé, plus son efficacité est grande, donc plus la consommation diminue ; et moins son rendement est important. Ainsi il apparaît que le régime fiscal de l’alcool est aujourd’hui davantage un frein qu’un moteur de la lutte contre l’alcoolisme. B/ La réglementation du commerce des boissons alcooliséesLa lutte contre l’alcoolisme et contre la consommation d’alcool en général passe principalement par une réglementation stricte du commerce de l’alcool. Tout le monde ne peut pas vendre de l’alcool, et de nombreuses conditions et obligations sont à respecter. Pour illustrer l’orientation sanitaire des politiques publiques relatives à l’alcool, le Code des débits de boisson a été intégré dans le Code de la santé publique en juin 2000. (mesure symbolique très forte) Concrètement, la réglementation régit les conditions d’ouverture et d’exploitation des débits de boisson où l’on consomme sur place. Elle a institué un système de licences administratives (qui sont au nombre de 4).
Chaque type de débits est autorisé à vendre les boissons correspondant à sa licence. Certaines contraintes tiennent aux conditions d’ouverture : restriction à l’ouverture du nombre de débits (proportion d’1 débit pour 450 habitants) ainsi qu’à leurs zones d’implantation : Les débits de boissons alcoolisées à consommer sur place ne peuvent être établis ou transférés à une distance inférieure à 100 mètres des établissements et édifices protégés : édifices culturels, établissements de santé, bâtiments militaires, entreprises publiques de transport. Cette distance est portée à 200 m autour des établissements d’enseignement et des installations sportives. Des formalités légales doivent également être respectées Déclaration administrative préalable Déclaration fiscale préalable Immatriculation au registre du commerce et des sociétés Une nouveauté intéressante : La Loi pour l’égalité des chances du 31 mars 2006 a institué une formation obligatoire pour l’exploitant de débit de boissons à consommer sur place. Parmi les objectifs de cette formation, on trouve en priorité la prévention et la lutte contre l’alcoolisme. Attention : La formation devient obligatoire à partir du 2 avril 2007 pour les personnes déclarant l’ouverture, la mutation, la translation ou le transfert d’un débit de boissons de 2ème, 3ème, 4ème catégorie. Les modalités d'application de cette formation seront fixées ultérieurement par un décret pris en Conseil d'Etat. D’autres contraintes tiennent aux conditions d’exploitation dont l’irrespect peut entraîner la fermeture des débits. Par exemple, certains horaires, qui varient selon le type de débit, doivent être respectés ; le transfert de ces débits est soumis à conditions … En outre, la Loi Evin, qui s’était fixé pour objectif de réduire l’offre d’alcool a instauré :
Pourtant, cette réglementation stricte, a priori efficace sous peine de fermeture, n’est applicable qu’aux débits de boisson à consommer sur place et donc ne concerne pas les débits de boissons à emporter (supermarchés pour l’essentiel). Ils ne sont pas soumis aux restrictions que nous venons d’aborder. Toutefois, il est interdit d'ouvrir de nouveaux débits de boissons à emporter dans les zones super-protégées (hôpitaux, stades, piscines). Pourtant ils sont le moyen le plus facile de se procurer de l’alcool, notamment pour les mineurs, les contrôles étant souvent plus que réduits. C/ La publicité en faveur de l’alcoolLa publicité en faveur de l’alcool, notamment depuis la Loi Evin de 1991, est également strictement réglementée. Le premier objectif était d’améliorer l’information du consommateur par l’obligation de faire figurer sur les publicités en faveur de l’alcool un message à caractère sanitaire que tout le monde connaît : « l’abus d’alcool est dangereux pour la santé ». Le second des 4 objectifs de la loi Evin, qui nous intéresse ici, était de réduire l’incitation à la consommation de boissons alcooliques. Pourtant on va voir que depuis il y a eu quelques assouplissements, notamment sous la pression des lobbies. Limitation des supports de publicité (directe et indirecte) pour les boissons alcooliques La loi Evin s’est voulu beaucoup plus rigoureuse que les textes antérieurs et repose sur le principe selon lequel, en matière de publicité pour les boissons alcooliques, tout ce qui n’est pas expressément autorisé par la loi est prohibé. En cela, elle a opéré un renversement de logique en passant d’un régime d’autorisation générale de la publicité assortie d’interdictions à un régime d’interdiction de toute publicité directe et indirecte pour l’alcool, y compris le parrainage, sauf dans quelques cas strictement réglementés. Elle autorise ainsi la publicité : - dans la presse écrite (sauf presse destinée à la jeunesse) ; - à la radio (dans certaines tranches horaires définies par décret) ; - par voie d’affichage ; - par envoi de circulaires ou brochures commerciales ; - dans les fêtes et foires traditionnelles, les musées, confrérie et stages d’oenologie (dans des conditions définies par décret). Toute publicité pour les boissons alcooliques au cinéma ou à la télévision est donc expressément exclue. La Cour de justice des communautés européennes, a conforté sans ambiguïté par deux arrêts du 13 juillet 20044 la possibilité d’interdictions publicitaires pour les boissons alcooliques en Catalogne et en France, reconnaissant « qu’il est indéniable que la publicité est un encouragement à la consommation ». Néanmoins, la loi en vigueur ne prévoit pas la publicité sur Internet. Elle est donc a priori exclue du champ de la publicité autorisée pour les boissons alcooliques. En pratique, on constate cependant la création de nombreux sites de promotion des boissons alcoolisées sur Internet, ce qui pose problème. Un cas particulier : celui de la publicité dans les stades : Les dispositions réglementaires contenues dans la loi Évin concernant la publicité et l’offre d’alcool dans les stades ont été, ensuite, progressivement assouplies de telle sorte qu’elles apparaissent aujourd’hui moins sévères que celles en vigueur dans les années 80. Définition stricte du contenu de la publicité autorisée L’article L.3323-4 du Code de la santé publique fixe limitativement la liste des mentions pouvant figurer en faveur des boissons alcooliques. Ainsi, la publicité pour les boissons alcoolisées est limitée à l’indication du degré volumique d’alcool, de l’origine, de la dénomination, de la composition, des moyens de production et modes de consommation du produit, du nom et de l’adresse du fabricant. Cet article a été modifié, sous la pression des lobbies de professionnels, par la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux. La disposition introduite permet la description objective du produit, à des fins informatives, au travers de ses trois principales caractéristiques : sa couleur, son goût et son arôme. Elle précise que les publicités pour l’alcool peuvent comporter des références relatives aux appellations d’origine ou aux indications géographiques. On va ainsi d’assouplissement en assouplissement. Interdiction du parrainage par les fabricants de boissons alcooliques L’article L.3323-2 du code de la santé publique interdit de manière générale le parrainage par les marques de boissons alcooliques, si ce parrainage a pour objet ou pour effet la propagande ou la publicité. Seul le mécénat est autorisé. Il s’agissait donc d’éviter que le parrainage d’une manifestation sportive ou culturelle par une marque de boissons alcooliques ne favorise notamment l’assimilation de la consommation d’alcool à l’amélioration de la performance physique ou à la conduite automobile, au luxe, à la réussite sociale, au confort matériel… Conclusion : La baisse de consommation d’alcool, plus sensible que celle du tabac, n’en est pas moins une réalité : de vingt quatre litres d'alcool pur par habitant et par an en 1960 à onze litres aujourd'hui. On peut certes mieux faire, mais ces chiffres sont encourageants. Ils montrent qu'il est possible de lutter avec une certaine efficacité contre des drogues aussi culturelles que l'alcool, grâce à une réglementation stricte, sans prohibition. En clair une politique de légalisation contrôlée peut être un instrument efficace pour combattre les toxicomanies. Mais actuellement, l’efficacité de notre réglementation pour satisfaire à l’objectif de santé publique affiché est loin d’être une réalité. On constate de nombreux assouplissements ou incohérences qui vont à l’encontre de cette efficacité, et ce souvent pour des raisons économiques ou sous la pression des alcooliers. Mais d’autres moyens sont utilisés : celui de la prévention et de la prise en charge. |
![]() | «Les politiques publiques», Madeleine Grawitz, Jean Leca (dir.), Traité de science politique, Paris, puf, 1985, volume 4, 558 p | ![]() | «Les politiques publiques», Madeleine Grawitz, Jean Leca (dir.), Traité de science politique, Paris, puf, 1985, volume 4, 558 p |
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