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De la modélisation du monde au monde des modèles (2)

Des statistiques aux probabilités

Jean-Claude DUPERRET

APMEP, IREM et IUFM Champagne-Ardenne

Introduction
Je ne reprendrai pas ici la présentation que j’avais faite de cette problématique de la modélisation en mathématique, et renvoie à l’introduction de mon premier article sur ce thème paru dans le bulletin de l’APMEP n° 484. Je vais donc entrer directement dans les mondes de « l’information » et de « l’incertitude » qui vont se modéliser à travers les mondes mathématiques des statistiques et des probabilités.


Modéliser l’information…ou « un modèle peut en cacher un autre »

Deux modèles



Miracle
Voici un article paru dans le « Canard enchaîné » en juillet 2006 :

Sous le titre « Un bon cru au bac », « La République des Pyrénées »(13/7) s’extasie devant les résultats de la bonne ville de Lourdes : « 96% de mentions très bien, bien et assez bien ». Du jamais vu ! » Mazette ! La cité mariale serait-elle un paradis pour les surdoués ? En réalité, pour obtenir ces mirobolants 96%, le confrère a eu un recours à un calcul simple. Il a ajouté le pourcentage du lycée public de La Serre de Sarsan (« toutes mentions confondues », 50%), à celui du lycée privé Peyramale (« 46% de mentions »). En additionnant ces deux nombres, il faudrait donc compter « 96% de mentions » à Lourdes. Et ce n’est pas fini. Car un troisième lycée de la ville n’ayant pu être comptabilisé, la part de ces mentions au bac devrait, selon cette nouvelle arithmétique, dépasser largement les 100%. Lourdes, ville de tous les miracles !
On peut dire que l’auteur de l’article incriminé maîtrise bien l’addition, mais qu’il s’est trompé de modèle !
Deux grands modèles dans l’enseignement
Deux grands modèles vont se construire entre l’école et le collège, avec leur mode de traitement et de calcul spécifiques :


  • Le modèle « additif » : comparaison « absolue »

  • Le modèle « proportionnel » : comparaison « relative »


Et, comme l’auteur de l’article ci-dessus, nos élèves vont faire des confusions entre ces deux modèles, comme en témoignent ces situations vécues dans mes classes.
Doublants et doublements
Quand je proposais à mes élèves de sixième les résultats suivants sur le nombre de doublants en troisième dans deux collèges de l’agglomération troyenne (chiffres fictifs) :

  • Albert Camus : 15 redoublants en 3ème

  • Paul Langevin : 12 redoublants en 3ème.

Leur première réaction était de dire que le collège Langevin était meilleur que le collège Camus, puisqu’il y avait moins de redoublants.

C’était une occasion de leur faire comprendre ces notions de comparaison « absolue » et « relative », en leur proposant de calculer le « taux de doublement » avec l’information ci-dessous sur les populations de référence :


  • Albert Camus : 125 élèves en 3ème

  • Paul Langevin : 80 élèves en 3ème.

Et ainsi de leur faire constater que leur conclusion s’inversait :

  • Taux de doublement à A.Camus : 12%

  • Taux de doublement à P.Langevin : 15%.


Plus de garçons ou de filles ?
Je leur proposais alors la situation suivante :

Dans une petite ville, tous les élèves de collège sont scolarisés dans l’un des deux collèges suivants, avec la proportion de garçons et filles correspondante :

  • Pierre Brossolette : 45% de garçons, 55% de filles

  • Gaston Bachelard : 60% de garçons, 40% de filles.

A ma question « Y a-t-il plus de garçons ou de filles scolarisés en collège dans cette ville ? », il se trouvait toujours un certain nombre d’élèves pour répondre qu’il y avait plus de garçons, puisqu’il y en avait 105% contre 95% de filles !

C’était alors l’occasion de leur montrer que suivant les populations de référence, on pouvait aboutir à trois conclusions différentes :


  • A Brossolette : 420 élèves ; à Bachelard : 360 élèves

Soit 405 garçons et 375 filles

  • A Brossolette : 520 élèves ; à Bachelard : 260 élèves

Soit 390 garçons et 390 filles

  • A Brossolette : 740 élèves ; à Bachelard : 300 élèves

Soit 513 garçons et 527 filles.
Dans un monde d’information chiffrée comme le nôtre, pour armer nos élèves dans leur vie de futur citoyen, développer cette confrontation entre ces deux modèles me paraît fondamental.
Le modèle « proportionnel » 
Le modèle « proportionnel » est particulièrement riche, avec la diversité des  registres de représentations possibles d’une même situation [Duval 1993] :


  • Registre numérique : suites proportionnelles, tableaux, « règle de trois »…Ce registre est celui de l’entrée dans ce modèle à l’école primaire.

  • Registre algébrique : « y = kx », propriétés de linéarité…On trouve ce registre dès l’école primaire avec l’utilisation en acte des propriétés de linéarité.

  • Registre fonctionnel : application linéaire, traduction graphique…Ce registre est plus spécifique du collège.

  • Registre géométrique : théorème de Thalès, lien entre parallélisme et proportionnalité…Là encore ce registre est présent en acte dès l’école primaire, avec par exemple le « guide-ânes » au cycle 3 (réseaux de parallèles qui permettent de « lire » ou « représenter » des fractions)


La conceptualisation, le traitement et la validation vont être spécifiques à chacun de ces registres, et notre enseignement doit à la fois travailler au maximum ces spécificités et les conversions d’un registre à l’autre pour donner des éclairages complémentaires d’une même situation.
Les Statistiques
Les statistiques, une pratique très ancienne !
Beaucoup d’activités humaines, comme le commerce, reposent sur l’observation de données, et en ce sens, on peut dire que les statistiques sont une discipline expérimentale que pratique l’homme depuis très longtemps, avec un objectif de prévision, comme le stock en ce qui concerne le commerce. Et pour ce faire, l’homme a toujours essayé de « limiter » le hasard. Et pourtant ce hasard est omniprésent dans nos croyances, et souvent dans nos décisions…comme nous le verrons plus loin.

La statistique descriptive



Les statistiques constituent le modèle mathématique de traitement de l’information, et cette modélisation présente là encore un aller-retour entre le monde « réel » et le monde mathématique comme l’illustre le schéma ci-dessus.

De la « réalité » vers les mathématiques, les statistiques vont transformer les données brutes en les représentant de façon « classée » pour pouvoir en faire des « résumés ».

En sens inverse, ces « résumés » vont conduire à des interprétations du phénomène empirique. Comprendre cette « transformation synthétique » des informations, pouvoir l’analyser correctement, et donc prudemment sont des enjeux d’une formation de l’individu dans la société. C’est pourquoi on caractérise souvent leur enseignement par le vocable  « mathématiques du citoyen », c’est-à-dire :

  • une formation à l’analyse des données et au traitement de l’information,

  • un développement des aptitudes à trier, ranger, transformer des informations, critiquer un traitement

  • en s’appuyant sur de fréquents changements de registre : texte, tableau, graphique, résultat numérique…



De manière plus précise, il faut faire comprendre aux élèves que le problème fondamental de la statistique descriptive est de résoudre le dilemme résultant de la transformation de données « brutes » en une « synthèse » qui parvienne à concilier le mieux possible deux pôles antagonistes : la « fidélité » et la « clarté » [Parzysz 1999].

Une question épineuse
A partir d’une question qui se pose dans le monde « réel », un premier travail sera de préciser cette question en vue de mettre en place un protocole d’observation. Un passage aux statistiques va alors permettre un traitement mathématique conduisant à proposer une réponse à cette question.
Prenons la question « Les garçons sont-ils meilleurs en maths que les filles ? ». Précisons-la : « les garçons réussissent-ils mieux en maths que les filles ? »
Pour répondre à cette question, on propose de faire passer un test à 700 garçons et 600 filles de troisième d’une petite ville de province (en prenant comme hypothèse que cet échantillon est représentatif !). On leur laisse le choix de passer ce test en algèbre ou en géométrie.

Voici les résultats à ce test, c’est-à-dire le nombre d’élèves qui ont réussi (avec par exemple comme indicateur une note supérieure ou égale à 10).





Garçons

Filles

Algèbre







Géométrie








Les filles sont meilleures que les garçons !
Pour arriver à cette conclusion, on calcule le pourcentage respectif de réussite des garçons et des filles en algèbre et en géométrie :





Garçons

Filles

Algèbre

11,5%

17%

Géométrie

80%

90%


Les filles sont « meilleures » (c’est-à-dire : ont mieux réussi) à la fois en algèbre et en géométrie…donc elles sont meilleures en maths.
Quoique !
On regroupe maintenant les résultats pour établir le pourcentage de réussite au test :





Garçons

Filles

Total






En %

60,5%

29,2%


On arrive à la conclusion contraire : les garçons sont « meilleurs en maths » (c’est-à-dire qu’ils ont mieux réussi au test).
On joue ici sur un effet de structure des sous-populations, mais le fait qu’un traitement statistique d’un même problème puisse conduire à deux réponses opposées pose à la fois la question de la complexité du modèle, et celle de la fiabilité des réponses pour une personne « non avertie » de ces « subtilités ».
Les « nombres » dans la société
Nous vivons dans un monde d’informations baigné de pourcentages, et le citoyen peut avoir beaucoup de peine à s’y repérer, à la fois par le manque de référence aux populations, et aussi parce qu’avec les mêmes données on peut arriver à deux conclusions contradictoires comme ci-dessus. Les statistiques apparaissent alors au mieux comme une science de la manipulation, au pire comme une science du mensonge, comme en témoignent les trois citations ci-dessous :
Interprétation manipulatoire des résumés du modèle :

« Il existe trois degrés dans le mensonge : les mensonges, les affreux mensonges, et les statistiques » (Benjamin DISRAELI).

Rétention d’une partie de l’information :

« Les statistiques, c’est comme le bikini, ça donne une idée, mais ça cache l’essentiel » (Louis ARMAND).

Caution intellectuelle :

« Les statistiques sont formelles : il y a de plus en plus d’étrangers dans le monde » (Pierre DESPROGES).

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