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Douleur Souffrance Misère Yveline Fumat Professeur d’Université. Sciences de l’Education Remarque préliminaire : nous nous sommes permis de remettre en forme le texte, quelques coquilles traînaient. Ma tâche est de présenter au début de cette journée une introduction générale qui sera surtout philosophique et anthropologique. Ni algologue, ni responsable d’une organisation humanitaire, ni économiste, ni travailleur social, sans spécialisation précise ni projet d’action particulier, j’essaierai de réfléchir à ces trois notions dans un souci de clarification conceptuelle, pour donner quelques pistes qui pourront intéresser des personnes aux fonctions professionnelles diverses . Entre ces termes courants et bien connus de tous, y a-t-il lieu de faire vraiment des différences ? Si l’on veut creuser des différences et affiner leur sens, il n’est pas inutile de s’aider de dictionnaires, surtout de ceux qui retracent la généalogie des sens et des usages dans la langue. Car les sens qui ont été dépassés, abandonnés, pèsent encore inconsciemment dans l’usage actuel, et on les retrouvera parfois comme échos lointains dans de nouveaux usages. 1 - Douleur et souffrance sont données comme synonymes depuis longtemps et ils le sont encore actuellement dans bien des cas. Chacun renvoie à l’autre, dans les définitions des dictionnaires, dans une circularité peu éclairante. Malgré tout si l’on prend souffrance à l’origine (1170) on trouve aussi attente, délai ce qui n’est pas effacé dans « marchandises en souffrance, affaires en souffrance »mais surtout on trouve l’idée de supporter, endurer (sufferentia) C’est le sens de cette belle citation de Chamford : « Il faut apprendre de la vie à souffrir la vie ». La souffrance serait donc une attitude seconde par rapport à la douleur, une manière de l’accueillir, de l’assumer, de la supporter. On trouve encore ce sens de supporter dans « Je ne peux pas le souffrir » La douleur, inévitable, peut être patiemment supportée. Elle pourra même – et c’est un pas de plus que franchissent certaines philosophies et religions- être valorisée dans la mesure où, même si elle est subie, elle a le mérite de nous révéler à nous-mêmes ; « Et nul ne se connaît tant qu’il n’a pas souffert »(Musset) Jusqu’à même aller jusqu’au renversement total : souhaiter la douleur, la rechercher, la provoquer, pour se connaître et se grandir, ou s’humilier devant Dieu (flagellations, cilice, mortifications) La souffrance garde bien en écho cette idée d ‘approfondissement éthique, à partir de la douleur, qui elle, est plus simple, plus brutale, comme surgie de l’extérieur même si elle nous affecte intimement. La souffrance est déjà comme une réponse, une prise en charge de la douleur, plus en durée, un retentissement et même un approfondissement de la douleur. Mais il n’est pas sûr que cet écart soit encore vraiment perçu, il est sans doute lié étroitement à des conceptions historiques concernant les bienfaits de la douleur qui sont en train de s’éloigner, et à un âge pré scientifique où les douleurs physiques étaient encore bien mal soulagées Au contraire actuellement , dans l’usage très contemporain, on pourrait presque dire que le rapport entre douleur et souffrance s’est inversé : si tout le monde s’accorde à dire que la douleur ne peut être que celle d’un sujet conscient, la souffrance prend sans doute une signification plus large , et qui ne va pas dans le sens d’un approfondissement subjectif, au contraire : la souffrance d’un organisme peut être décelée même s’il n’y a pas douleur ; Un corps peut être en souffrance , même si aucune douleur n’est perçue (on retrouve alors les usages où la souffrance était attribuée à des objets ; on admettra que les plantes souffrent (de sécheresse ou de manque d’oligo-éléments) alors qu’on n’ira pas jusqu’à dire qu’elles éprouvent de la douleur. Ainsi la souffrance connote certains déséquilibres (carences ou malnutritions par exemple). Les symptômes d’une maladie, et toute gêne ou douleur peuvent être absents pendant longtemps, alors que la dégradation cellulaire a déjà progressé. Qu’est ce qui permet de le dire alors ? Toutes les connaissances objectives indirectes sur lesquelles la médecine moderne s’appuie : radiologie, cellules au microscope, mesure des taux de sécrétions, numération des lymphocytes T4 … Tout ce qui permet d’aller au-delà de l’enveloppe corporelle, de l’examen par simple palpation, et du discours du malade. Tous les dépistages reposent sur cette anticipation précoce. De nos jours, pour tout dire, le moindre diagnostic ne se fie que très partiellement à la parole du malade. Le médecin s’efforce de déceler la souffrance de l’organisme au-delà du vécu douloureux. Certes il écoute le malade, mais le récit imagé (cela me brûle, cela me pèse sur l’estomac) est loin de lui suffire pour poser son diagnostic : une fibroscopie et une analyse sanguine lui seront nécessaires… Après avoir posé ces différences, variables historiquement, entre douleur et souffrance, abordons l’idée de misère qui elle aussi a bien évolué : La misère a d’abord eu le sens très général d’adversité, de détresse, de malheur : « Sort digne de pitié » Mais ce qui semblait lié à une mauvaise chance (« sort » « malheur ») est aussi perçu de manière radicale, comme une condition générale de l’existence de l’être humain. Ce mauvais sort n’est pas dû au hasard, il est propre à l’Homme, à tout homme ; « Misère de l’Homme sans Dieu, grandeur de l’Homme avec Dieu » Pascal (XVII°S) La misère renvoie à la position ontologique de tout homme (quelque soient ses conditions de vie) à une détresse métaphysique. Dans la religion chrétienne la misère de la créature sera rachetée par les souffrances du Dieu qui s’est fait Homme. Un culte sera voué aussi à la Vierge Marie, vierge de Miséricorde, qui protège et abrite les fidèles sous son manteau.(comme chez Piero della Francesca) Mais déjà chez La Bruyère on perçoit aussi que ce sont les détresses physiques les plus grandes, qui peuvent donner le sens de l’absolu de la misère humaine et faire naître la pitié pour l’autre : « Il y a des misères sur la terre qui vous saisissent le cœur » On se rapproche déjà du sens plus contemporain d’extrême pauvreté : une pauvreté qui va jusqu’à la privation des choses nécessaires à la vie Dès le XIX° siècle la misère devient synonyme d’indigence, de dénuement « On a beau avoir un corps de cheval pour la supporter, un courage d’esclave pour le travail, elle vous avilit, elle donne le droit à ceux qui ont de l’argent de vous insulter et de vous plaindre » Georges Sand (lettre à Musset 1834) Au-delà des comparaisons qui datent le texte, G Sand souligne une idée capitale, nouvelle, moderne que nous garderons en mémoire : la misère avilit et non seulement parce qu’elle expose à l’insulte, mais aussi- ce qui est remarquable dans le texte- à la pitié. Dans la même décennie un autre auteur écrit ces lignes dans sa préface : Tant qu’existera une damnation sociale créant en pleine civilisation des enfers, tant que les trois problèmes du siècle la dégradation de l’homme par le prolétariat, la déchéance de la femme par la faim, l’atrophie de l’enfant par la nuit, ne seront pas résolus, tant qu’il y aura sur terre ignorance et misère, des livres comme celui-ci ne seront pas inutiles … Il s’agit de la préface des Misérables par Victor Hugo. Le prolétariat est la mise en exploitation de la classe ouvrière, qui a des salaires de misère, la femme déchue, celle qui se prostitue du fait de sa misère, et l’enfant dans la nuit, l’enfant qui ne peut se développer ni physiquement (rachitique et souffreteux du fait de ses 12 heures de travail) ni intellectuellement. Certes bien des choses ont changé. Mais les trois problèmes du XIX°siècle ne sont pas résolus complètement ni surtout dans le monde entier. Exploitation, prostitution, travail des enfants sont encore des facteurs de dégradation humaine La misère est une extrême pauvreté, mais la différence n’est pas seulement quantitative : la misère fait basculer le rapport aux autres, elle met l’individu en danger car elle risque de lui faire perdre sa dignité humaine. Le fait d’être privé des choses nécessaires à la vie met dans une dépendance qui peut conduire à tout : à subir le mépris des autres (surtout si l’on s’éloigne d’un aspect « normal » par la tenue et la propreté, le mode de vie) mais aussi à des conduites de survie qui ne peuvent plus respecter de limites morales : dans la misère on vend son corps, on vend ses organes, on vend ses enfants. Georges Sand dit bien la misère avilit Victor Hugo souligne la déchéance, la dégradation des êtres. Ils écrivent au moment où se développe la « question sociale » où les Philanthropes commencent à se préoccuper des ravages du capitalisme sauvage (la première loi sur le travail des enfants est votée en 1841 : elle interdit d’employer plus de 8h par jour les enfants de moins de 8 ans)) et où se multiplient les analyses concernant les pauvres et les indigents ; par ex , Proudhon écrit « Philosophie de la Misère » auquel répondra Marx par un livre très critique : « Misère de la Philosophie »(1847) (et juste après en 1848 : « Manifeste du Parti Communiste » . Puis en 1849 « Travail salarié Capital » : l’ ébauche des analyses du Capital.) Dans ces années où l’on pose la « question sociale » on assiste à un déplacement : la misère est maintenant nettement référée aux inégalités sociales, contre lesquelles on doit lutter. L’enfer est ici-bas (la damnation sociale).Et la promesse du paradis ne peut servir à faire accepter cet état de choses. La pitié n’est pas suffisante ; elle peut même venir d’une égoïste satisfaction à ne pas être parmi les plus pauvres. La charité- don du riche au pauvre- est une vertu qui semble liée à un ordre social trop inégalitaire. On lui préfèrera la justice , qui s’attaque aux causes mêmes des inégalités Après cette introduction qui situe les trois notions, reprenons de manière plus serrée, à partir de quelques questions les liens entre elles. 2 - La douleur est-elle subjective ? La reconnaissance de la subjectivité de la douleur- et les conduites de soin qui en découlent- est assez récente. Encore plus la reconnaissance que les soins faits pour soulager et guérir, peuvent être douloureux. Dans un article « Prévention et soulagement des douleurs induites : le rôle des soignants » (Evelyne Malaquin Pavan) l’on trouve cette phrase : « Oui la douleur est subjective donc propre à chacun » le rôle double du soignant est affirmé ensuite : témoin de la souffrance de l’autre et acteur d’un soin douloureux. Un tableau récapitulatif passe en revue tout ce qui peut influencer le vécu douloureux. Nous le résumons en regroupant des données éparses, sous trois rubriques : le contexte actuel, le passé et la mémoire, l’anticipation et le futur :
Ce tableau serait valable pour toutes les douleurs, qu’elles soient induites ou non ; il montre bien que la manière de ressentir la douleur ne peut être détachée de l’ensemble de la personne, de ce qu’elle vit actuellement, de son expérience passée douloureuse, de l’anticipation qu’elle peut avoir de la fin de cette douleur et de sa guérison, finalement du lien à sa vie entière (ex : signe sans gravité ou signe d’une maladie grave récidivante) , pour tout dire du sens qu’elle lui donne. Donc on reconnaît que chacun a plus ou moins mal, même s’il a la même maladie, même s’il présente les mêmes symptômes objectifs, même s’il lui arrive le même évènement extérieur. La réaction douloureuse est propre à chacun et donc subjective. Mais il faut aller plus loin et chercher encore en quoi la douleur est subjective. Quand on veut définir la douleur, on ne peut que pointer vers elle et s’en remettre à l’expérience de la douleur de l’autre, car on est en présence d’une expérience fondamentale et qui à vrai dire n’a pas d’équivalent ; on a du mal à épingler sa différence spécifique : En un sens on est sur la même ligne que les sensations. (La sensation est un état subjectif qui nous renseigne sur le monde extérieur). Preuve en est : quand un éblouissement est trop fort, il peut devenir douloureux ; quand la chaleur augmente, on passe à la brûlure qui fait mal, quand un bruit est trop perçant il devient insupportable… Mais on est aussi sur la même ligne que les sentiments (le sentiment nous renseigne sur nous-même) : on ressent une gêne, un déplaisir, un désagrément, avant d’arriver à la douleur elle-même. Alors la douleur, sensation ou sentiment ? Dans tous les cas il existe un passage à la limite, un basculement, comme si des barrières étaient franchies : la douleur est sur la même ligne mais c’est autre chose, même si la gradation existe .La douleur survient quand justement la sensation n’est plus possible, quand les récepteurs ne peuvent plus donner d’informations correctes sur le monde extérieur De même elle affecte la personne de telle manière que tout autre sentiment s’efface. Mais ici il faut certainement distinguer entre les degrés de douleur. Entre la douleur légère qui permet de continuer toutes nos activités, la douleur lancinante, taraudante, insistante , qui nous obsède et paralyse nos mouvements, la douleur qui nous submerge, nous envahit , nous laisse accablé, cloué au lit, et au contraire celle qui devient si insupportable que l’on a envie de fuir de « quitter son corps » , il existe une gradation qui semble traduire un rapport de plus en plus dramatique entre la douleur et soi-même , comme un combat qui serait de moins en moins sûr d’être gagné. Si pendant longtemps on peut faire face, mettre sa douleur à distance, vient un moment où la défaite paraît certaine, où l’on voudrait fuir mais où l’on ne peut pas fuir. Cette douleur extrême est celle qui ne peut être supprimée sauf à se supprimer soi-même. Mais c’est alors qu’elle révèle sa nature profondément subjective. la douleur est d’abord, et avant toute comparaison, subjective, non pas parce qu’elle varie selon les sujets, mais parce qu’elle révèle l’étoffe même de la subjectivité. Si le ressenti de la douleur insupportable nous révèle à nous- même , ce n’est plus comme dans la pensée classique parce qu’il révèle notre capacité à surmonter la douleur mais au contraire parce que dans cette expérience extrême où la douleur se confond avec l’être –soi, on découvre l’ impossibilité absolue de se séparer de soi , et finalement la nature même de l’ipséité .(cette « proximité à soi qui ne peut être ôtée », Michel Henry) Le sujet est ce qui se supporte soi-même, toujours, à tout moment, sans possibilité de fuite et sans échappatoire. Dans l’expérience de la douleur extrême se révèle aussi la solitude existentielle de tout individu vivant qui par nature souffre seul, absolument seul, du fait même de l’individuation. A ce niveau ontologique l’autre n’est d’aucun secours : personne ne peut véritablement souffrir à ma place, personne ne meurt à ma place. Pas de substitution, de suppléance possible. La perception brutale de cette solitude fondamentale ajoute encore sans doute au tragique de la douleur. Mais la sollicitude de l’autre et sa compassion peuvent adoucir ensuite, sans l’effacer, cet isolement fondamental. 3 – Compassion pitié sollicitude En prenant le terme dans son acception première, il faut commencer par la « sympathie » .Le « sentir comme l’autre » vient d’abord d’une « contagion d’émotion ». Cette communication avec l’autre est immédiate et très primitive ; elle n’est pas seulement le fait de l’être humain. Elle est à la base de toutes les réponses collectives (envols simultanés, fuites grégaires, paniques dans une foule) l’émotion se propage, se démultiplie par imitation. A vrai dire à ce niveau l’autre n’est même pas véritablement perçu comme tel ; la sympathie provoque la « mimésis », une imitation irraisonnée, non maîtrisée, sans la médiation d’une réflexion. Toutes les émotions sont contagieuses : la peur la colère la tristesse comme on l’observe bien chez les animaux. La compassion est la forme que prend la « sympathie » quand l’autre subit une souffrance. Elle est très précoce : un bébé pleure en écho et un petit enfant (20 mois)sait être triste par compassion et consoler son voisin. Elle est ce que Rousseau appelait la « pitié » : cette répugnance innée à voir souffrir son semblable. Elle est ce que Kant décrivait ainsi en l’attribuant à l’imagination : par la médiation de l’imagination on partage les souffrances des autres (lorsqu’on voit quelqu’un perdre l’équilibre et prêt de tomber, on se penche de l’autre côté pour le remettre en quelque sorte d’aplomb) (Anthropologie p 99). Mais précisément il faut sans doute distinguer cette disposition innée et quasi immédiate, où l’autre est si peu distingué de soi- la confusion des schémas corporels que décrit Kant le montre bien- de sentiments plus élaborés construits à partir de cette disposition, et qui impliquent alors des compétences supérieures de jugement et de comparaison. Pour Rousseau la pitié est à la base de toutes les vertus sociales : générosité, clémence, humanité. Kant sera plus sensible à la comparaison qui peut s’instaurer ensuite, nous procurant « le soulagement de ne pas souffrir » Il est vrai que les deux voies sont possibles. Aussi bien la sollicitude que le repli égoïste ; la pitié au sens contemporain est souvent vue du côté du repli égoïste : ainsi chez Comte Sponville : « la pitié ne va jamais sans une part de mépris, ou à tout le moins sans le sentiment, chez celui qui le ressent de sa propre supériorité » Ou encore chez Paul Ricœur « La simple pitié, où le Soi jouit secrètement de se savoir épargné » Au terme pitié Ricœur préfère celui de sollicitude. Il réfléchit à la situation d’inégalité où se trouvent celui qui souffre et celui qui veut partager sa peine ; la souffrance est toujours une diminution : la souffrance n’est pas uniquement définie par la douleur physique ni même par la douleur mentale, mais par la diminution, voire la destruction de la capacité d’agir, de pouvoir faire, ressenties comme une atteinte à l’intégrité du soi. Dans la sympathie vraie – qui ne serait donc pas la pitié mais la sollicitude- l’inégalité est effacée : il faut alors que l’inégalité de puissance vienne à être compensée par une authentique réciprocité dans l’échange, laquelle à l’heure de l’agonie se réfugie dans le murmure partagé des voix ou l’étreinte débile des mains qui se serrent (Soi-même comme un autre p 223). Ce que me donne l’autre qui souffre, en retour , c’est justement cette faiblesse qui révèle notre commune condition : l’égalité est rétablie par l’aveu partagé de la fragilité, et finalement de la mortalité (p225) Ce que l’on découvre aussi dans la sollicitude c’est que chaque personne est irremplaçable dans notre affection et notre estime…et c’est dans l’expérience du caractère irréparable de la perte de l’autre aimé que nous apprenons , par transfert d’autrui sur nous même, le caractère irremplaçable de notre propre vie. Deviennent alors fondamentalement équivalentes l’estime de l’autre comme un soi-même, et l’estime de soi même comme un autre (p 226) (On a ici la clef de cet ouvrage.) Idée reprise un peu différemment par Michel Guérin dans son ouvrage « La Pitié » : « la souffrance de l’autre fait lever notre humanité partagée »ou encore : « L’humanité est visible dans et par la souffrance ».(p 197) L’autre est souvent perçu comme différent , dans le cadre de la vie empirique , mais dans ces expériences cruciales de partage authentique de la souffrance, c’est le caractère semblable qui vient au premier plan : l’autre est celui que j’aurais pu être, (dans une autre vie) celui que je serai en mourant : à la fois mon alternative, ma variante, et mon destin ; l’autre m’élargit en me finissant ; il rappelle que je suis fait d’être autre et que l’autre de l’être m’attend au tournant. » (p 342) 4 -La douleur est-elle universelle ou variable selon les cultures ? La réponse est déjà préparée par les analyses précédentes: si l’on se situe au niveau de l’essence même de la douleur et de son rapport à l’ipséité, il n’existe aucun différence entre les hommes et entre les civilisations. Si la douleur est consubstantielle à notre condition d’être vivant conscient, elle est universelle ; elle est « la chose au monde la mieux partagée » plus certainement encore que ce que disait Descartes de la Raison. Ce qui varie- selon les individus et les cultures- c’est son expression, et le sens qu’on lui donne. L’expression de la douleur est variable : Chez l’individu la douleur peut provoquer des larmes, des sanglots, des cris, des gémissements, des hurlements, des plaintes, des appels, des implorations… mais ces derniers effets sont déjà différents d’une simple expression spontanée, car ils impliquent aussi l’autre, même s’il s’agit d’un Dieu. Souvent l’expression de la douleur est un message adressé autant à autrui qu’à soi-même. En devenant un appel, en espérant un soulagement, déjà la douleur est soulagée .Mais il faut ajouter que ces modes d’expression sont le plus souvent socialisés : Les rituels sociaux qui accompagnent les deuils sont destinés à donner un langage codé à la douleur, et à la contenir, mais aussi à témoigner de la compassion de tout le groupe : ainsi les chœurs de pleureuses dans les pays méditerranéens qui crient, pleurent bruyamment, se frappent la poitrine, psalmodient, au chevet des mourants. Si la douleur ne s’exprime pas, ne peut s’exprimer, elle est peut être trop forte et plus difficile à supporter : |
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