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/ « Légalité, illégalité : quel positionnement professionnel des travailleurs sociaux en France face aux inégalités sociales dans un contexte de crise ? » Les travailleurs sociaux Français sont confrontés à une remise en question sans précédent de leurs missions. Alors que la pauvreté se développe sur fond d'inégalité, la population la plus fragile se voit souvent accusée de percevoir indûment des prestations sociales. L'assistance est transformée en assistanat, terme péjoratif, qui disqualifie les personnes fragiles et les travailleurs sociaux. Ce sujet est devenu en quelques mois un thème médiatique de campagne électorale qui masque un réel problème : celui de la croissance du chômage, des inégalités ainsi que la remise en cause de revenus de subsistance. Face un tel mouvement renforcé par une opinion publique réceptive aux thèses simplistes du « paresseux qui fraude et profite des aides sociales », des travailleurs sociaux essaient de réagir afin de limiter les effets destructeurs de tels discours. C'est pourquoi Il sera utile rappeler dans un premier temps le contexte socio économique dans lequel se développe la pauvreté en France. Nous verrons ensuite comment l'assistance , transformée en « assistanat » alimente un discours politique qui contribue à diviser les français. Face à ces réalités, les travailleurs sociaux, accusés de ne pas travailler correctement se doivent de réagir et de rappeler la réalité sociale à laquelle ils sont confrontés. L’ANAS1 s’inscrit dans une stratégie d’alerte de l’opinion et des pouvoirs publics et propose aux travailleurs sociaux plusieurs initiatives qui visent à rappeler le sens du travail social et à faire respecter ses valeurs. 1- Le contexte socio économique de la pauvreté et de l'exclusion en France
La pauvreté, selon les données 2009 de l’Insee, représente 13 % de la population. Depuis 2002, ce nombre de personnes pauvres a augmenté de 760 000 (+ 20 %).Il ne s’agit pas d’une "explosion", mais le mouvement de hausse est désormais très net. (+337.000 par rapport à 2008)2.
Depuis 2004, le nombre de personnes riches est en forte augmentation en France . Entre 2004 et 2007, le nombre de personnes dépassant les 100.000 euros constants de revenu par unité de consommation a crû de 28%, et de 70% pour les personnes au-dessus du seuil à 500.000 euros»6
le Conseil de l'Europe a qualifié l'expulsion collective de Roms par la France, à l'été 2010 comme une violation aggravée des droits de l'homme." Ces expulsions étaient "discriminatoires" et "contraires à la dignité humaine "car basées sur l'origine ethnique des personnes concernées, a précisé l'organisation européenne. Ces mesures ont constitué une violation du droit au logement et des garanties relatives à l'expulsion inscrites dans la Charte sociale européenne, a conclu le Comité européen des droits sociaux (CEDS).
2-L'assistance, transformée en assistanat et en fraude aux prestations sociales est devenue un outil de communication politique
Cette stratégie d'interventions se traduit par une évolution sémantique révélatrice opérée par le ministre des affaires européennes Laurent Wauquiez. Alors que le mot “service social” est aujourd’hui utilisé pour représenter l’ensemble des travailleurs sociaux et leurs institutions positionnées pour aider la population, ce terme “service social” est devenu dans les propositions du ministre un temps de travail obligatoire hebdomadaire susceptibles d’être imposé aux bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA). Cela montre par ailleurs que certains élus ignorent la réalité même des services sociaux actuels ainsi disqualifiés au point de voir ce qui les caractérise utilisé dans un sens contraire à leur éthique.
Force est de constater à travers l'ensemble de ces mesures coordonnées que la question de la pauvreté est désormais essentiellement présentée comme celle du profit que réaliseraient les plus démunis sur les aides sociales, laissant supposer que les bénéficiaires de ces aides soit n'y ont pas droit soit ne les méritent pas. Ce sujet permet aussi d'éviter de regarder une réalité sociale peu valorisante. Elle oppose la population et contribue à développer une forme de rejet de la population la plus fragile. 3- Les instances européennes rappellent à la France ses devoirs à l'égard de la population la plus fragile La France a ratifié la Charte sociale européenne le 09/03/1973 et Charte sociale européenne révisée le 07/05/1999, en acceptant les 98 paragraphes de la Charte révisée16. Celle ci oblige les États à se conformer à des standards européens en matière d'action sociale. Il est régulièrement fait un état des lieux des l’avancée et des manquements de chaque État au regard de ces normes communautaires. Or que disent ces rapports ? Si des progrès ont été réalisés dans le domaine de l'enfance (interdiction de travailler pour les enfants de moins de 15 ans), la santé des étrangers (aide médicale État), le logement (définition de logement décent et mise en œuvre du dispositif de prévention des expulsions), La France reste régulièrement rappelée à l'ordre. Les manquements à la charte sociale européenne. Parmi les recommandations non conformes à la charte et qui ont fait l'objet d'un rappel de la part du comité européen des droits sociaux17 retenons que « Les montants minimums des pensions d'invalidité et de réversion sont manifestement insuffisants»18 , « les jeunes de moins de 25 ans n’ont pas droit à une assistance sociale suffisante », « l’octroi du revenu minimum d’insertion aux étrangers non communautaires possédant un titre de séjour temporaire est subordonné à l’accomplissement d’une période de résidence de cinq ans sur le territoire français » et enfin « il n’est pas établi que le droit de recours en matière d’assistance sociale soit effectif. »19 Les travailleurs sociaux ne peuvent rester indifférents face à de tels constats. Ils ne peuvent non plus rester sans réaction face aux propos et aux mesures qui fragilisent les plus faibles et qui renforcent leur honte de bénéficier de revenus d'assistance. 4- Quelle est la place et la fonction d'une association professionnelle de travailleurs sociaux face à cette réalité ? 4.1 Réagir dans le champ de l'espace médiatique - Faire face aux informations erronées voire manipulées Sans attendre, l’ANAS a produit des réactions sous forme de communiqués repris dans la presse généraliste et professionnelle pour rappeler un certain nombre de réalités. Il s'agissait dans un premier temps de dénoncer des prises de position non seulement erronés mais portant aussi atteinte à la dignité des personnes les plus fragiles. Dans plusieurs communiqués l'association s'est donc élevée contre des propos de personnalités politiques 20. - Répondre au discrédit portés à l’encontre des professionnels du travail social Les remises en cause à l'égard des plus fragiles se traduisent aussi par une disqualification des travailleurs sociaux eux mêmes. Certaines émissions de télévision21 ont vivement fait réagir les professionnels et leur association. Ainsi a-t-on pu entendre des propos particulièrement provocateurs: « Pour l’économiste Michel GODET, en matière d’insertion, les travailleurs sociaux sont « des gens qui au nom de faire le bien entretiennent finalement ce qui les fait vivre. » Cette accusation grave est illustrée par par son affirmation suivante: « J’ai regardé l’histoire des SDF, les travaux de Julien Darmon, 40 % d’entre eux sont issus de la DDAS, c’est un problème d’histoire familiale, pas de société… » les travailleurs sociaux sont aussi accusés de profiter de la détresse humaine et de gagner ainsi leur vie alors que ceux ci pourraient être remplacés par des bénévoles. Le journaliste Alain Gérard Slama ajoute ainsi : « A la limite, un travailleur social idéal, et je le pense, c’est sur la base du volontariat qu’il accomplira le mieux sa mission (…) moi j’ai l’impression qu’il y a beaucoup de travailleurs sociaux qui fonctionnent selon les lois du marché, le minimum d’heures possibles et qui rentrent chez eux en n’ayant pas rempli la mission qu’on attend d’eux. » Ce type de remise en cause particulièrement choquant ont provoqué de multiples réactions de travailleurs sociaux qui ont alerté l'ANAS qui là aussi a été conduite à se positionner clairement. Dans un communiqué la présidente de l'association Françoise Léglise indique22 « Nous sommes face à un défi : l’attaque contre les personnes se complète logiquement de celle contre les travailleurs sociaux. Ces idées sont probablement populaires : plusieurs enquêtes en 2010 et 2011 le prouvent. Nous avons à montrer combien ces idées sont fausses et relèvent d’une vision idéologique et/ou électoraliste. L’ANAS appelle les travailleurs sociaux à dénoncer les idées fausses sur lesquelles prennent appui les discours de rejet d’une partie de la société par l’autre. Pour notre part, nous décidons de préparer une analyse plus étayée montrant que le travail social, ce n’est pas l’assistanat». 4.2 Produire des avis techniques utilisables par l'ensemble des professionnels et leurs institutions. Signe des temps, L’ANAS est de plus en plus sollicitée par des professionnels ainsi que des responsables de service sur les injonctions à la dénonciation des situations de fraudes. Ces injonctions ou « invitations appuyées » proviennent de services ou de directions, voire d’élus. La chasse aux fraudeurs, renforcée par la responsabilité financière des conseils généraux dans le paiement du RSA, est devenue centrale. Dans un tel climat, les professionnels peuvent perdre leurs repères tant légaux que déontologiques. En effet, la présentation qui est alors faite du cadre légal s’en tient souvent à la mise en exergue d’un article isolé (le 40 du code de procédure pénale) sans examen approfondi de son sens. Les autres références juridiques à partir desquelles se construit un positionnement professionnel, sont soigneusement omises. Parfois, ce sont les écrits de juristes faisant référence dans le travail social, qui servent à signifier aux équipes « qu’elles n’ont pas le choix ». C'est pourquoi là aussi l'association professionnelle a été conduite à produire un avis très circonstancié intitulé « Préconisations aux professionnels pour mettre en pratique la loi et la déontologie face aux pressions pour la dénonciation des personnes ». ce document propose des repères juridiques et déontologiques permettant aux travailleurs sociaux de se positionner sans ambiguïté. Apporter des repères législatifs et déontologiques en direction des professionnels et de leurs institutions Les fondements déontologiques qui aident le professionnel à se positionner dans les différentes situations se trouvent dans plusieurs articles issus de textes de référence : Éthique dans le travail social, déclaration de principes adoptée en octobre 2004 par la Fédération Internationale des Travailleurs Sociaux (FITS – IFSW en anglais)23 ainsi que le code de déontologie des assistants de service social24. Enfin nous n’oublions pas les différents documents de référence et avis éthiques du Conseil Supérieur de Travail Social (CSTS) mais aussi de l’Agence Nationale de l’Évaluation et de la qualité des Établissements et Services sociaux et Médico-sociaux (ANESM) qui produit des guides de bonnes pratiques notamment sur la question du partage d'informations et sur la participation des usagers des établissements Ils permettent de re-positionner des fondamentaux du travail social et constituent des références pour la pratique professionnelle.
L'analyse menée par des adhérents de l'ANAS et notamment par sa commission internationale indique l'intérêt d'agir professionnellement de façon stratégique notamment sur le terrain. En effet seule la confrontation au réel peut faire évoluer un état de l'opinion fortement influencée par les discours dominants. Ainsi il est proposé aux travailleurs sociaux de se positionner en
Ce type de recommandations n'est pas nouveau et de nombreux travailleurs sociaux sont déjà inscrits dans ces formes de pratiques professionnelles. Pour autant ce mouvement n'est pas suffisamment partagé par tous les acteurs du travail social. Face au discrédit porté tant envers les plus fragiles qu'envers ceux qui interviennent professionnellement auprès et avec eux, il est aujourd'hui nécessaire de réaffirmer avec force combien le vivre ensemble et la cohésion sociale ne doivent pas être menacés par des discours et des mesures qui divisent les français et qui disqualifient les plus fragiles et ceux qui les aident. 1 Association Nationale des Assistants de Service social 2 Insee Première, n°1365 publié en août 2011 5Rapport de l'observatoire national de la pauvreté: http://www.onpes.gouv.fr/Le-Rapport-2009-2010.html 6 Ces données sont consultables sur le site de l'INSEE www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ref/REVPMEN10e.PDF 7: selon étude menée par l’IFOP en octobre 2010 : http://www.ifop.com/media/poll/1317-1-study_file.pdf Etude réalisée au bénéfice de la Fondation pour l'innovation politique sur un échantillon de 2000 personnes, représentatif de la population française âgée de 18ans et plus. 9 Avis du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale Paris, le 16 mai 2011. 11 Pierre Lang, député UMP de Moselle. Proposition de Loi visant à demander aux chômeurs indemnisés depuis plus de six mois et aux bénéficiaires du revenu de solidarité active d’effectuer des travaux d’intérêt général 13Les conditions d'obtention portent sur l'âge, le montant des ressources et la résidence. le ressortissant d'un pays étranger doit être titulaire depuis au moins cinq ans d'un titre de séjour au point de départ de l'allocation. . http://www.legislation.cnav.fr/doc/dp/aa/aspa/BNL-EX_DP_AA_ASPA.htm 14http://www.lagazettedescommunes.com/81965/secu-un-projet-de-loi-de-finances-tourne-vers-la-lutte-contre-la-fraude-mais-deja-obsolete/ et le rapport d'informations en conclusion des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur la lutte contre la fraude sociale présenté par M. Dominique TIAN, Député. 16 Celle-ci, en application de l’article 55 de la Constitution : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie. » 18 article 12§1 – Droit à la sécurité sociale – Existence d’un système de sécurité sociale 19article 13§1 – Droit à une assistance sociale et médicale – Droit à une assistance appropriée pour toute personne dans le besoin 21 émission Ce soir ou jamais, sur France 3, du 11 mai 2011 24 Code adopté par l'assemblée générale de l'ANAS le 28 novembre 1994 |
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