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![]() Jean-Frédéric Poisson sur Radio Courtoisie dans le libre Journal d'Henry de Lesquen du 23 mars 2015 : “La fin de vie et les soins palliatifs - Premier tour des élections départementales ». H.de L. : Pouvez-vous nous donner votre avis sur la proposition de loi Claeys Leonetti, notamment sur le concept de sédation profonde que certains apparentent à l’euthanasie ? JFP : Cette nouvelle loi est inutile et dangereuse. La loi Leonetti, adoptée à l’unanimité à l’Assemblée en 2005, s’occupait déjà de l’aménagement de la fin de vie en clarifiant ce qui relevait de l’acharnement thérapeutique, appelé obstination déraisonnable. Il y a un moment où l’art médical doit constater l’impuissance de l’homme face à la nature et face à l’âme qui s’en va. La sagesse peut constituer à laisser filer une vie qui est déjà partie. Les affaires Vincent Lambert et Vincent Humbert ont fait émerger deux problèmes ; un problème de méthode - comment la loi peut-elle traiter les cas limites et doit-elle les traiter ? L’euthanasie doit-elle faire partie, comme le souhaite soi-disant un nombre croissant de nos concitoyens, du panel d’offres de la santé publique ? Manuel Valls en 2009 avait avancé une proposition de loi pour compléter l’offre de soins par une possibilité de démarche euthanasique. Pour moi, la loi Claeys Leonetti est une sorte de voie intermédiaire entre la légalisation de l’euthanasie active et délibérée et la loi de 2005. Je crois que la sédation profonde terminale comporte des risques euthanasiques. Il y a aussi des risques énormes à considérer désormais l’hydratation et d’alimentation artificielle comme des traitements. Les soins sont en effet dus au patient alors que les traitements peuvent être arrêtés. Avec la nouvelle loi, la nécessité de faire la toilette du patient tous les matins est un soin, quand l’hydratation et la nutrition sont des traitements ! Enfin, la sédation terminale profonde est déjà pratiquée dans certains cas et l’arrêt de soins aussi : mais le fait d’écrire dans la loi que cette sédation peut s’imposer au corps médical, par le biais des directives anticipées, ouvre la porte à des dérives euthanasiques. H.de L. : Les demandes d’euthanasie ne relèvent-elles pas en partie de la responsabilité des médecins qui parfois s’acharnent pour maintenir en vie des patients coûte que coûte ? JFP : On ne peut pas reprocher aux médecins de faire tout ce qu’ils peuvent pour sauver une vie. C’est l’esprit du serment d’Hippocrate et du code de déontologie médicale ; trouver la limite au-delà de laquelle c’est déraisonnable est difficile. Il y a en effet ce culte de la performance de la science, la toute-puissance humaine qui s’y met, le fait que la médecine ne veut pas se mettre de limites… H.de L. : Comment définir l’euthanasie ? Est-ce le suicide assisté ? JFP : Pas tout à fait. Le suicide assisté, c’est de l’euthanasie par procuration. C'est le patient lui-même qui effectue l'acte provoquant la mort. Avec l’euthanasie, le corps médical exécute l’acte. Et cela se rapproche beaucoup de la sédation profonde terminale proposée dans le texte. La sédation, c’est endormir le patient, le priver de sa vigilance. Profonde, c’est que le sommeil est très profond. Terminale, c’est que cela se termine par la mort. Mais premièrement, il faut souligner qu’on ne sait pas si la douleur est vraiment supprimée dans une sédation profonde. De plus, on sait qu’on accélère la fin de la vie. Dans la loi de 2005, on sait déjà qu’on accélère la fin de vie, mais on précise que l’intention n’est pas de donner la mort mais de soulager la souffrance. Cela disparait dans le nouveau texte. Le médecin a l’obligation de soulager la douleur d‘autrui et doit le faire en appréciant les circonstances. H.de L. : Sur le thème de la douleur, du dolorisme : que répondez-vous à ceux, notamment les chrétiens, qui disent qu’il ne faut pas bannir la douleur, qu’elle a une valeur positive –celle du Christ en croix ? JFP : Dans la tradition littéraire, artistique, philosophique, on dit souvent que la douleur est un maitre pour l’homme, qu’elle permet à l’homme de connaitre ses limites, sa finitude. Alfred de Musset dans « Les nuits » déclare que « L’homme est un apprenti, la douleur est son maitre et nul ne se connait tant qu’il n’a pas souffert. » Dans le christianisme, ce n’est pas la douleur, mais l’offrande de la douleur qui sauve. L’enseignement de l’église le dit bien : il n’y a, sauf dans des cas très particuliers, aucune valeur particulière ni forme d’obligation à rechercher la douleur par elle-même. Il y a une responsabilité de chacun de soulager la douleur chez soi et chez autrui par respect par son intégrité physique. L’homme n’est pas fait pour la douleur : elle est juste le signe de sa finitude. H.de L. : La loi dit-elle s’occuper de ces sujets ? JFP : Il faut se méfier du fait de faire de la mort un sujet purement individuel. Il y dans la mort de chacun d’entre nous une dimension collective. Dans les rites funéraires, la société toute entière rend hommage à ceux qui sont morts et disent par des pratiques l’importance de la vie et de la mort. Il est normal que la société se saisisse du sujet de la fin de la vie. Elle peut le faire par la loi, même si la législation abusive sur ce sujet est problématique. Sans loi, les médecins seraient souvent obligés de faire face à des poursuites judiciaires. Aujourd’hui, les médecins n’osent pas appliquer la loi de 2005 et renoncer à l’acharnement thérapeutique par crainte de recours contre eux. En revanche, je défends la possibilité de recourir à une justice qui rétablirait ce que la loi ne peut pas résoudre. Il y a quelques années, un homme de 90 ans a été condamné pour avoir étouffé sa femme qui agonisait depuis des années d’un cancer dans son lit d’hôpital, mais il a été dispensé de peine, car le poids des circonstances atténuantes était terriblement lourd. Dans des cas très compliqués comme celui-là, un équilibre a été trouvé. H.de L. : Vous donnez 7 définitions des soins palliatifs. On peut les définir de manière générale comme des soins qui ne sont pas faits pour guérir mais pour améliorer la fin de vie en évitant autant que possible la souffrance physique ou psychique. Sont-ils une troisième voie entre acharnement thérapeutique et euthanasie ? JFP : Acharnement thérapeutique et euthanasie ne respectent pas la dignité humaine ; Seuls les soins palliatifs la respectent, aussi bien celle du patient que celle du soignant. Cette pratique est profondément humaine. Ce n’est donc pas une troisième voie mais une autre façon de prendre en charge la personne face à sa mort. « Etre mourant signifie avant tout qu’on est encore en vie ». On doit donc au mourant le respect à un homme qui est en vie. Le mourant ne perd pas sa dignité, car la dignité ne se perd jamais. H.de L. : N’est-ce pas à la famille de prendre en charge les personnes en fin de vie ? JFP : Des unités de soins palliatifs au domicile des patients se développent lorsque les patients peuvent rester chez eux. Mais certaines personnes ne peuvent pas assumer la souffrance de leurs proches. Pour les personnes qui souffrent d’Alzheimer, il peut être insupportable pour le conjoint ou les enfants de ne pas être reconnus ! Les familles ont parfois besoin d’être aidées. Les soins palliatifs doivent donc absolument être développés : il se trouve là des gisements d’humanité dont notre monde moderne a bien besoin. |
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