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Tableau 5.Calendrier traditionnel Gbaya
On a ainsi le nmaymayma, « période où les gens tentent de brûler les herbes et le feu ne prend pas », qui évoque la période transitoire correspondant au mois d’octobre ou novembre (selon les saisons) durant laquelle les pluies, bien que déjà arrêtées, influencent encore le temps par l’humidité et la fraîcheur du sol non encore soumis à l’évaporation. L’autre période transitoire entre la fin de la saison sèche et le début des pluies concerne le mois de mars qui est désigné par le terme siwoo qui s’apparente à la formation des premiers nuages annonçant les pluies. Entre ces deux périodes de transition, la phase sèche (durant laquelle des activités caractéristiques de période morte sont observées) est aussi prise en compte dans la description du calendrier gbaya ; c’est ainsi que le mois de janvier painya signifiant « reste de feu nocturne » et le mois de février kpeykeley assimilé à « nudité, clarté » (défrichement par le feu) sont des mois caractéristiques de la pratique des feux de brousse ; en effet, l’utilisation du feu pour ce groupe est surtout réservée à la pratique de la chasse et elle s’intègre comme une habitude traditionnelle. Les repères de la période humide chez les gbaya sont aussi basés sur des préoccupations alimentaires et des descriptions expressives du temps ; on a ainsi l’apparition des termites au mois de mai décrite par le caractère meuble de l’état du sol, ou le mois de septembre Gir-wo qui indique le retour à une alimentation normale par la récolte et le séchage du manioc ; ceci à cause du temps extrêmement humide des deux mois précédents. En effet, la caractérisation des nuages convectifs désignée par Dayi (juillet) signifiant « montée » et par gbazai (mois d’août) interprété par « forte exagération » renvoient à l’abondance des pluies de ces mois de pleine saison pluvieuse. Sur un autre plan, les savoirs traditionnels s’appuient sur des croyances issues des traditions religieuses. Cette croyance est surtout métaphysique. II – Des pratiques rituelles pour le contrôle des éléments de la nature Chez les toupouri, ceux qui détiennent le pouvoir de faire la pluie ou d’imposer la sécheresse menacent parfois la sérénité des souverains traditionnels. D’après certains témoignages lors des enquêtes, cette pratique est devenue une préoccupation commerciale en ce sens que les faiseurs de pluie ou de sécheresse l’associe à la spéculation ; en effet, après avoir constitué des stocks, il nous a été rapporté que ces personnes provoquent la sécheresse et créent la rareté des céréales, qu’ils revendent plus tard à des prix élevés. La pratique liée à l’arrêt ou à l’accentuation des pluies est essentiellement basée sur la magie. Cela est décrit suivant le témoignage suivant : « ...on raconte qu’un individu voulant devenir faiseur de pluies doit, dans un premier temps, recueillir l’eau des premières pluies des régions sur lesquelles il souhaite étendre son pouvoir. Puis il associe à cette eau un gui ou des liliacées dont le nom nous reste inconnu. Cette mixture est mise soit dans un escargot, soit dans un petit pot ou dans une petite gourde et remise à une vieille femme ayant perdu depuis longtemps ses menstruations. Mandat lui est fait de ne pas se laver et de garder avec précaution le liquide. Après quoi, le faiseur de pluie peut décider à volonté de faire pleuvoir ou d’arrêter la pluie. Chaque tombée de pluie s’accompagne d’un sacrifice (immolation d’un bœuf) sans lequel le prétendu magicien s’exposerait à un malheur : coup de foudre surtout. Il semble que pour provoquer la pluie, le faiseur de pluie n’a qu’à verser à terre une certaine quantité du contenu de la gourde ou de l’escargot. La quantité du liquide versé déterminera la hauteur de la pluie. Plus la mixture répandue sur le sol est importante, plus la pluie sera torrentielle ». Les témoignages recueillis sur le terrain rejoignent cette description faite par Bouimon T.(1997). L’intérêt ici est de montrer l’importance de l’utilisation des rites et pratiques. Ce sont des pratiques qui permettent aux hommes de « contrôler, voire dominer leur environnement » (Collignon, 2001). Les rites nous permettent ainsi de comprendre les cadres et messages exprimant l’état du milieu à un moment donné ou par rapport à une situation précise ; c’est le sens de la fête des récoltes qui existe dans plusieurs communautés et qui nous indique que la « crainte » permanente des péjorations pluviométriques est une réalité intégrée dans les traditions. A cet effet, le « Féféké », la traditionnelle fête des récoltes chez les Mboum de l’Adamaoua célébrée en novembre, est un signe de réjouissance d’avoir obtenu des provisions d’une nouvelle campagne agricole. Lors de cette cérémonie, le Bélaka (chef suprême des Mboum) choisit un beau mouton et prélève des grains nouveaux sur les champs nouvellement récoltés et fait faire de la nourriture qui sera distribuée aux vieux, aux infirmes, aux orphelins, et une partie est donnée en offrande au hâ (instrument sacré servant à faire des invocations). Si l’on ajoute à cela l’existence dans la hiérarchie Mboum d’un assesseur chargé uniquement des récoltes, nous avons là des signes indiquant (pour cette communauté vivant pourtant dans une région humide) que la réussite des récoltes n’est pas toujours un acquis. De ce fait, la célébration d’une récolte est synonyme d’une « victoire » sur les caprices du temps. Ces rites sont aussi spectaculaires aujourd’hui qu’auparavant. Chez les moundang par exemple, lorsque les hommes rentrent du louo ou mayero (chasse sacrificielle différente du fing-luo et dont le but est de faire revenir la pluie après une longue séquence sèche), leur retour au village est toujours suivi d’une pluie. Une telle réponse à cette « prière traditionnelle » marque l’esprit des populations et renforce leur attachement aux croyances traditionnelles. Cela a été observé aussi au Bénin durant les sécheresses des années 70/80 où des paysans qui « se sont conformés aux prescriptions de la tradition obtinrent des récoltes plus satisfaisantes que celles des coopératives d’état »(Boko, 1989). C’est à cause de cet attachement aux traditions que les innovations sont difficilement intégrées au sein de certains groupes. C’est aussi ce que pense Pérard J. (1997), qui affirme que « ...des plans internationaux d’aménagement souvent coûteux ont échoué ou obtenu des résultats très décevants non seulement parce qu’ils avaient été calibrés sur une « normale », périmée (...), mais aussi parce qu’ils avaient méconnu les croyances et pratiques liées à l’eau ». C’est ce qui a entraîné l’échec de la maïserie de Bohicon (Benin) ; en effet, « …les paysans ne doivent pas arroser ou irriguer les plantes fétiches de Xébioso (dieu de la pluie), dont le maïs, qui est l’une des principales cultures du Bas et Moyen Benin et qui ne doit bénéficier que de l’eau du ciel dispensé par le dieu ». Un tel cadre d’explication doit donc exister au sein des communautés pour servir de repères, ou comme le souligne Collignon (2001) pour « activer une mémoire rassurante » ; en effet, lorsque des événements météorologiques extrêmes surviennent en un lieu, le savoir vernaculaire se doit d’apporter un éclairage ou une justification à cette déviance naturelle car « les explications scientifiques ne peuvent à elles seules calmer les esprits ». Conclusion Il était question dans ce chapitre d’analyser le savoir traditionnel local face à l’incertitude du comportement du climat. De ce savoir, deux approches se dégagent : la première est basée sur l’observation du temps au fil des années ; cette approche met en relief le rôle prépondérant des acteurs comme les vieillards qui ont l’expérience d’observation du temps ; en effet, il a été constaté que le vieillard dans les communautés humaines a le « privilège » de l’interprétation du comportement des paramètres climatiques. Ce privilège est basé sur l’accumulation des observations du temps et l’expérience du vécu. La fréquence d’occurrence du comportement des faits climatiques lui permet de construire progressivement une image qui deviendra la base de ses connaissances perceptives. C’est une approche qu’on peut considérer comme d’ « objective » en ce sens qu’elle s’inspire des faits observés dans le passé et permettant de comprendre le présent pour mieux envisager l’avenir. La deuxième approche est essentiellement métaphysique par l’utilisation des rites. Ce sont des pratiques qui n’ont pour préoccupation que de « rassurer » plutôt que d’apporter des solutions véritables face à des contraintes climatiques : séquence sèche, inondation, forte chaleur... Elles sont créées pour apaiser les esprits et ne s’appuient que sur la croyance. L’état d’esprit des hommes à travers les perceptions et les représentations, nous a ainsi permis de renforcer l’importance d’une amélioration des connaissances du comportement des pluies. Il se dégage de ce fait l’existence d’un savoir local permettant aux hommes de mieux apprécier l’organisation des paramètres climatiques ; c’est un savoir qui se présente comme important à prendre en compte et à intégrer comme connaissance à la base. Cela se présente comme un savoir complémentaire au savoir « savant » habituellement conçu. Dans cette catégorie, l’image moyenne de la pluviométrie telle qu’elle est étudiée jusque là par les méthodes conventionnelles nécessite aussi d’être améliorée compte tenu des contraintes que subissent encore les hommes. Avant d’envisager les possibilités d’amélioration, nous allons présenter dans le chapitre qui suit, l’état actuel des régimes pluviométriques moyens dégagé par les méthodes conventionnelles. Chapitre 3 : Les régimes pluviométriques moyens exprimés par les mesures conventionnelles Introduction Dans ce chapitre, Il est question de faire le point des connaissances des précipitations dans la zone d’étude afin d’identifier éventuellement les lacunes susceptibles d’être corrigées. L’évolution rapide des techniques de recherches et de mesures augure d’une amélioration potentielle des connaissances en matière d’étude des précipitations à différentes échelles spatio-temporelles. Pour ce faire, nous allons nous appuyer sur l’organisation saisonnière et interannuelle des pluies (intégrant l’étude des démarrage et arrêt de la saison des pluies), et sur la distribution moyenne des précipitations ; cela intègre la détermination des éléments du bilan hydrique moyen notamment les évapotranspirations potentielle et réelle. La description du régime pluviométrique moyen s’appuie sur les travaux de Suchel (1972 et 1988), Tsalefac (1979) et Bring (1997). En ce qui concerne l’analyse des démarrages/arrêts de la saison des pluies, elle exploite la formule de mois sec de Bagnouls et Gaussen P≤2T, dans un premier temps. Dans un deuxième temps, sont présentées les méthodes développées par Tchiadeu et al (1999) sur le Nord-Cameroun, et inspirées des critères de Sivakumar et al.(1993), et Stern et al.(1981). La démarche exploite les différentes approches en les adaptant au contexte climatique de la zone du Nord-Cameroun soumise aux influences sahéliennes et soudaniennes. Cette approche considère que la saison des pluies démarre avec un cumul de 20 mm sur 2 jours consécutifs sans qu’on enregistre une séquence sèche de plus de 7 jours dans les 30 jours qui suivent ce cumul. Pour la fin de la saison des pluies, il est adopté le seuil de 20 jours consécutifs secs après la dernière pluie. Par ailleurs, la connaissance de la logique du bilan hydrique repose sur la détermination du « pouvoir évaporant de l’atmosphère » ou de ce qui est désigné « évapotranspiration potentielle (E.T.P.) »(Thornthwaite, 1944). Elle est considérée comme la quantité d’eau maximale susceptible d’être évaporée dans des conditions climatiques données par une surface d’eau libre, ou un couvert végétal pour lequel l’eau n’est pas un facteur limitant (Cosandey C. et Robinson M., 2000). Son principe est basé sur la connaissance du changement de l’eau de son état liquide à l’état gazeux. L’objectif ici est donc d’évaluer sur l’espace d’étude, le comportement de l’eau à travers ces possibilités d’évapotranspiration. A – ORGANISATION DE LA PLUVIOMETRIE A L’ECHELLE ANNUELLE ET INTERANNUELLE : Les apports des différents auteurs I – Le régime pluviométrique moyen au Nord-Cameroun L’image moyenne la plus répandue de la distribution pluviométrique est fondée sur les analyses à l’échelle mensuelle. Elle montre une variation du Nord au Sud de l’espace d’étude (figure 3). Des marges du lac Tchad jusqu’au plateau de l’Adamaoua, on part d’un régime sahélien à un domaine climatique compris entre la zone soudanienne et la zone subéquatoriale. Suchel (1972) le précise en soulignant que « la diversité paraît être le caractère dominant de cette vaste région étirée sur la moitié de la longueur totale du pays (…) : la durée de la saison des pluies passe progressivement de 3 à 7 mois, la pluviosité annuelle passe de 400 à 1400mm en moyenne… ». Sur la figure 3, nous avons individualisé quelques stations indiquant des types régionaux bien déterminés : la station de Maroua se trouve dans le domaine climatique de transition de type soudanien avec des variantes sahélo-soudanien ou soudano-sahélien ; les Monts Mandara situés à l’ouest du domaine constituent une unité physique qui caractérise cette partie du secteur Sud et Ouest de la zone. Cette station affiche une moyenne annuelle d’environ 800mm avec un maximum atteignant 200mm au mois d’août. En évoluant vers le Sud de l’espace étudié, on atteint la cuvette de la Bénoué qui présente un véritable climat soudanien avec une moyenne pluviométrique qui atteint 1000mm. Les mois les plus pluvieux y atteignent régulièrement 200mm (en août et septembre). Vers le Sud de cette cuvette, les hauteurs moyennes de précipitation augmentent autant vers le Sud-Est que vers le Sud-Ouest. Vers le secteur Sud-Ouest, la station de Poli atteint une moyenne de 1500mm annuelle avec plusieurs mois de plus 200mm de pluie ; certaines années, le seuil de 300mm a même été atteint. Le profil pluviométrique de la station de Poli le rapproche ainsi un peu plus de l’Adamaoua, dont les pluies présentent un caractère original par rapport aux autres secteurs de l’espace septentrional du Cameroun. A la station de Ngaoundéré, le profil pluviométrique nous rappelle celui de Poli ; en effet, il existe aussi ici plusieurs mois qui enregistrent plus de 200mm donnant une forme plus arrondie au régime des pluies ; ![]() le total annuel n’est pas très différent entre les deux stations. Sur l’Adamaoua, la station de Tibati donne l’impression d’appartenir à un autre domaine climatique par une tendance bimodale du profil des pluies ; sa localisation géographique (marge nord de la zone subéquatoriale) lui confère un statut de station de transition entre le climat subéquatorial et le climat soudanien d’altitude. II – La délimitation de la saison des pluies Le régime saisonnier a été étudié par Suchel (1972) et repris pour le plateau de l’Adamaoua dans nos précédents travaux (Bring, 1997). Le régime pluvieux au nord du Cameroun est caractérisé par une saison pluvieuse et une saison sèche (figures 4, 5, 6, 7). En fonction du site et des caractères physiques spécifiques des milieux, la durée et l’intensité des saisons varient. Le démarrage ou l’arrêt des pluies changent selon que l’on est sur le plateau de l’Adamaoua ou sur la plaine du Nord. Sur le plateau de l’Adamaoua, nous avons déterminé les conditions moyennes de démarrage et d’arrêt des pluies en adoptant le seuil de mois sec de Bagnouls et Gaussen : P≤2T. En adoptant la moyenne de température à 25°C, c’est le seuil de 55mm de pluie qui détermine le démarrage de la saison. Le mois est alors considéré comme humide. Cette approche peut être améliorée par la méthode appliquée en Afrique de l’ouest (Mbaye Diop, 1996) et qui préconise qu’un cumul de 20mm sur 1 ou 2 jours est suffisant à condition qu’aucune série de 7 jours sans pluie ne soit enregistrée dans les trente jours qui suivent ce cumul. Par rapport à cette logique, nous pouvons réduire le seuil de 55mm et adopter un cumul inférieur. Dans ce cas, suivant la démarche que nous avions développée (Bring, 1997), le seuil de 30mm paraît raisonnable pour caractériser le début de la saison des pluies sur le plateau de l’Adamaoua. On constate donc que, les pluies démarrent sur le plateau de l’Adamaoua au mois de mars, mais avec des probabilités variables : Ngaoundéré 50%, Meiganga 71%, Tibati 64%, Tignère 55% et Banyo 77%. ![]() ![]() ![]() ![]() Ainsi au vu des valeurs, on peut dire de façon absolue, que les stations de Meiganga, Tibati et Banyo sont à l’abri d’une variation excessive du démarrage des pluies, bien qu’il existe des possibilités pour que la saison des pluies démarre plus tôt, c’est-à-dire en février. Pour ce qui est de l’arrêt des pluies, la démarche adoptée nous donne de remarquer qu’une fréquente rupture intervient régulièrement entre le mois d’octobre et le mois de novembre sur toutes les stations étudiées. En effet, on va parfois de 100mm en octobre à 0mm au mois de novembre ; cela explique la complexité d’appréciation des conditions d’arrêt des pluies. Les valeurs des probabilités indiquent l’arrêt des pluies pour le mois de novembre à Ngaoundéré à 78%, à Meiganga à 60%, à Tignère à 59% et à Banyo à 67%. Ces valeurs élevées en novembre montrent en principe que les pluies peuvent aussi bien s’arrêter plus tôt c’est-à-dire en octobre. On peut donc dire à ce niveau que la période d’arrêt des pluies varie sur ces stations entre octobre et novembre. Pour ce qui est de la station de Tibati, la faible valeur de probabilité suggère d’envisager la possibilité d’arrêt des pluies au mois de décembre. L’observation de la distribution des pluies sur quelques années confirme d’ailleurs cette remarque. D’après Tchiadeu G. et al. (1999), la variabilité du démarrage de la saison des pluies peut s’étendre jusqu’à 52 jours (Garoua) ; même les stations des régions plus humides (plateau de l’Adamaoua) observent cette instabilité : 34 jours à Meiganga, 33 jours à Banyo et Tibati. Dans l’ensemble, si le démarrage peut s’étendre jusqu’au mois de juillet et même août pour certaines stations de la région de plaine (Maroua, Kaélé ou Garoua) ; sur l’Adamaoua par contre, la période la plus tardive de démarrage a été observée à Tibati jusqu’à mi-juin. La fin de la saison pluvieuse qui n’est pas moins importante à connaître offre aussi une variabilité importante à souligner du fait de son utilité pour la planification agricole. A cet effet, ce sont les stations des secteurs humides qui ont un arrêt de saison tardif. C’est ainsi que les stations des régions de plaine observent des arrêts pouvant intervenir dès la fin du mois d’août alors que sur le plateau il faut attendre la fin du mois de septembre pour les arrêts les plus précoces. Les figures (4 à 7) issues de cette distribution illustrent bien l’allure unimodale et symétrique des régimes pluvieux de cette région du Cameroun. Les modes (valeurs maximales) de ces différentes distributions varient suivant les stations ; le mois le plus humide est compris entre juillet et août et les valeurs dépassent régulièrement 300mm pour certaines stations. Le deuxième aspect de ce régime concerne la saison sèche dont la durée varie aussi en fonction des sites. La particularité de la région de plaine de notre espace d’étude repose d’ailleurs sur la longueur et l’intensité de la sécheresse (qui sera étudiée plus loin). Cette contrainte nécessite encore ici la connaissance de la distribution saisonnière de l’eau et de détecter les périodes où l’essentiel des pluies annuel est atteint. III – Variabilité interannuelle et spatiale des précipitations 1°) – Les indices pluviométriques standardisés Les indices pluviométriques indiquent les anomalies annuelles des précipitations qui peuvent être positives ou négatives. Ils s’expriment sur la base de la moyenne et de l’écart type en suivant la loi normale centré-réduite (figures 8 et 9). Nous avons déjà utilisé cette méthode (1997) sur le plateau de l’Adamaoua et nous reprendrons ici l’essentiel des résultats. Dans l’ensemble, on a remarqué que les stations étudiées ne présentent presque pas de cycles rigoureux et que les phases humides ont enregistré des valeurs pluviométriques élevées comme 2229,4mm en 1931 à Ngaoundéré, 2077,6mm en 1969 à Meiganga, 2287,4mm en 1992 à Tignère et 2103,1mm en 1978 à Banyo. En un mot, les stations ont chacune sa spécificité quant à la variabilité pluviométrique ; cependant, on remarque quelques concordances dans les fluctuations : Ngaoundéré et Meiganga ou encore Banyo et Tibati. Ces anomalies ne sont pas ressenties au même moment et avec la même intensité d’une station à une autre. Dans la plaine du Nord-Cameroun, la tendance générale est marquée par une prédominance des anomalies négatives surtout durant la décennie sèche 1975-1984. Les anomalies les plus remarquables sont intervenues à Maroua, Doukoula et Lam. Des périodes humides se sont aussi distinguées par des anomalies positives qui ont marqué les stations de Tcholliré, Kaélé, Guider, Lam et Maroua. La distribution spatiale de ces anomalies ne permet pas de découper l’espace d’étude en zone exclusive de déficit ou d’anomalie. En effet, on enregistre des anomalies positives plus élevées sur certaines stations de plaine que sur le plateau de l’Adamaoua. De la même manière, la tendance humide permanente sur l’Adamaoua n’est pas observée avec une homogénéité absolue sur ses stations. Cette tendance est celle dégagée par les coefficients de corrélation étudiés plus loin (tableau 6). On pourrait de ce fait penser que chaque station est régie par des contraintes particulières, dominée par des spécificités locales. ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() Figure 8: Anomalies pluviométriques sur le plateau de l'Adamaoua exprimées par des indices standardisés ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() Figure 9: Anomalies pluviométriques sur la plaine du Nord-Cameroun exprimées par des indices standardisés 2°) – Variabilité historique des crises pluviométriques sur le plateau de l’Adamaoua Les mesures pluviométriques effectuées sur le plateau de l’Adamaoua montrent dans l’ensemble que la région est en permanence humide et à l’abri des contraintes pluviométriques constatées dans la plaine du nord. En effet, en nous appuyant sur les conclusions des études dégagées au chapitre 3, le plateau de l’Adamaoua présente un avantage d’humidité remarquable. Ainsi, Suchel (1988) et Bring (1997) soulignent entre autre le privilège de la région en reconnaissant que malgré les grandes sécheresses notamment celles des années 60 (1967 et 1970) qui ont été dans l’ensemble défavorables à Ngaoundéré notamment, et les tendances à la baisse de la pluviométrie constatées à Banyo et Ngaoundéré, on ne peut pas parler de risques pour les activités agricoles. En effet, il a été constaté que « ces anomalies n’ont pas entraîné sur l’Adamaoua les catastrophes constatées plus au Nord du pays ». Suchel (1988) précise ce privilège pluviométrique en disant à ce propos que « la fameuse année 1971, qui globalement n’a nulle part été très déficitaire dans l’Adamaoua, a certes présenté un début de saison difficile, (...) mais les précipitations d’avril et mai ont fini par être fréquentes pour ne pas engendrer une sérieuse pénurie... » ; de plus, « la fin prématurée des pluies cette année-là ne paraît pas avoir compromis les récoltes ». D’une manière générale, en se basant sur les mesures, cet auteur affirme que malgré d’éventuels accidents climatiques, une abondante pluviosité est toujours garantie durant plusieurs mois consécutifs sur l’Adamaoua du fait de l’existence d’une longue succession d’épisodes pluvieux rapprochés, dans une atmosphère sensiblement plus humide et plus fraîche que la plaine du Nord. De même, Tchiadeu et al. (1999) en délimitant la saison des pluies dans le Nord-Cameroun, montrent que l’étendue de la variabilité des dates de début et de fin de la saison des pluies est moindre sur l’Adamaoua par rapport à la plaine du Nord. En effet, l’étendue maximale de l’Adamaoua est de 34 jours (Meiganga) alors qu’elle atteint 52 jours à Garoua. Pour ce qui est de la fin des pluies, l’étendue de la variabilité est limitée à 8 jours sur l’Adamaoua. Il se dégage ainsi de ces observations que cette région ne devrait en principe pas connaître de difficultés pluviométriques majeures. Cependant, en nous appuyant sur les rapports administratifs des autorités coloniales et ceux de la période post-coloniale, on se rend compte que l’Adamaoua a connu ces contraintes qui ont été plus ou moins importantes mais qui ont somme toute attiré l’attention des autorités. Les archives exploitées sont des « rapports d’activités du territoire de l’Adamaoua » pour la période coloniale, et les rapports administratifs post-indépendance. Ces sources nous ont permis de cibler d’une part les sécheresses des années 70 et 80 et d’autre part de restituer la préoccupation de l’administration sur des faits tels la famine, le déplacement des hommes suites à des contraintes climatiques diverses... Ainsi, on a assisté en 1935 à « une invasion de sauterelles qui entraîna une disette » à la suite de la destruction des cultures. Cette situation souvent vécue en plaine a poussé l’administration à imposer la constitution des greniers de réserve. Ce fut d’ailleurs l’un des points à l’ordre du jour de la réunion des notables du 15 juin 1937. Cette « préoccupation » de l’autorité coloniale est due à la pratique du gaspillage des provisions de céréale (utilisé pour fabriquer la bière locale) et à l’imprévoyance des habitants. Il a été ainsi préconisé la constitution de grenier de prévoyance contre les éventuelles disettes et pour permettre de mieux gérer la « soudure » car « si des disettes graves n’ont pas été subies dans la région, (...) il n’est pas certain qu’elle n’aura pas à en souffrir dans l’avenir ». Dans le même ordre d’idées, les rapports évoquent des perturbations d’ordre social. En effet, le rapport politique de mars 1936 souligne que le canton de Meiganga qui était de 18 748 habitants cette année là, n’a plus que 16 485 habitants en 1938 ; le rapport précise que « cette perturbation est due à une famine qui se produisit dans le canton de la Mbéré en 1937 et qui entraîna l’exode de près de 2500 indigènes vers des régions plus favorisées de l’A.E.F. en passant par la subdivision de Bokaranga ». C’est après de « gros efforts faits au point de vue plantations que tous ces indigènes revinrent peu à peu et en 1944, la population de la Mbéré dépassait le chiffre de 1936 ». Sur un autre plan, le rapport de la délégation départementale de l’agriculture de l’Adamaoua pour la campagne 1977-1978 souligne que « la pluviométrie de la campagne agricole 77-78 n’a pas été très favorable aux diverses cultures. Ce déficit pluviométrique a été ressenti sur la culture du blé et du mil ». C’est surtout le rythme et la distribution des pluies qui sont incriminés ici ; en effet, le rapport souligne que « les facteurs aléatoires du climat à savoir l’arrivée tardive des pluies, leur mauvaise répartition dans l’espace et dans le temps, leur fin brutale, ont considérablement joué sur la production agricole du département » ; la conséquence qui s’en est suivie est la « baisse généralisée » des chiffres de la production agricole : 1337 ha de production sur 2506 ha de blé semés et 7000 tonnes de déficit de maïs. Pour les sécheresses des années 80, la campagne 1983-1984 s’est présentée comme l’une des plus difficiles. Les rapports soulignent que « la sécheresse a influencé de façon déterminante la baisse des rendements des cultures en général ». La section agricole de la délégation départementale de l’Adamaoua a pendant cette campagne réalisé une enquête dans la deuxième quinzaine du mois de novembre 1983 dans le but d’évaluer les répercussions « de la longue période sèche qui a sévi tout le long de l’année 1983 ». En se basant sur le ratio production/consommation, on a enregistré des excédents de 5 516 tonnes de céréales et environ 20 000 tonnes de tubercules dans la Vina, un déficit en céréales d’environ 6084 tonnes et un excédent 136 218 tonnes de tubercules dans le département du Mbéré, un déficit en céréale de 664 tonnes et un excédent en tubercules de 5 989 tonnes dans le Djérem...Ces chiffres indiquent donc des déficits céréalières remarquables, et l’excédent des tubercules se justifie par la longueur des cycles de culture de ces denrées. Le rapport précise cependant que « l’autosuffisance alimentaire bien que menacée, reste encore une réalité dans nos 3 départements ; cependant, il faut noter que cette auto-suffisance reste précaire à cause de la proximité immédiate des zones sinistrées de la province du Nord et surtout de la République sœur du Nigeria ». Ces récits nous permettent ainsi de comprendre que malgré le caractère humide du climat de la région, le vécu quotidien des populations nous révèle que l’Adamaoua n’est toujours pas à l’abri des contraintes d’origine climatique. Ceci nous autorise à tenir compte des connaissances locales liées au climat, et à chercher à comprendre la logique paysanne par rapport à la compréhension du climat. A cet effet, nous partons de la logique qu’il existe un savoir en milieu traditionnelle qui permet aux hommes de se donner les moyens de gérer à leur manière le comportement divers des pluies. En effet, pour faire face à ces difficultés, les hommes développent des stratégies pour s’adapter et mieux tirer profit du potentiel hydrique de leur région. Face à ces contraintes, c’est tous les aspects de la survie qui sont concernés. Il est alors question de mettre en place des moyens qui puissent permettre de mieux s’adapter à ces difficultés récurrentes. 3°) – Variabilité spatiale des quantités d’eau recueillies Pour étudier la répartition spatiale des pluies, nous avons calculé les corrélations entre les stations. La corrélation repose sur des liaisons non rigides entre deux variables ; ces liaisons sont basées sur une dépendance « stochastique ». Les variables concernées ici sont les quantités annuelles d’eau recueillies durant la période 1965-1994 sur 15 stations du plateau de l’Adamaoua et de la plaine du Nord-Cameroun (tableau 6). Les corrélations sont établies entre les stations indépendamment de leur localisation spatiale. L’appréciation des liaisons repose sur des valeurs variant entre 0.00 (absence de corrélation) et 0.68. Les corrélations sont faibles et même nulles entre certaines stations du plateau de l’Adamaoua et celles situées en plaine : c’est le cas de Guétalé (10°53’N) et Ngaoundéré (7°21’N), Kaélé (10°05’N) et Meiganga (6°23’N) dont les corrélations sont nulles (0.00) ; c’est aussi le cas des liaisons Kaélé-Tibati (0.09), Kaélé-Banyo (0.03), ou encore Maroua (10°35’N)-Meiganga (6°23’N) avec (0.04). Cette logique d’absence de liaison entre des stations éloignées ne s’oppose toujours pas à celle des stations voisines. C’est ce qui s’observe sur le plateau de l’Adamaoua où, malgré la proximité, les liaisons sont faibles entre Tibati-Ngaoundéré (0.07), Meiganga-Ngaoundéré (-0.07), Tignère-Banyo (0.10). Cette logique de proximité est par contre respectée pour quelques stations : Mokolo-Guétalé (0.68), Guétalé-Lam (0.55), Poli-Tcholliré (0.60), Banyo-Tibati (0.55), Guider-Lam (0.52). D’autres stations, sans être strictement voisines, sont quand même localisées sur les mêmes latitudes et présentent des corrélations non-négligéables : Maroua-Doukoula (0.57), Lam-Garoua (0.56), Lam-Guétalé (0.55), Tcholliré-Garoua (0.59). Tableau 6. Corrélation entre les stations
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