Rappel concernant les lectures liées à l’objet d’étude « - La question de l'Homme dans les genres de l'argumentation du XVIème à nos jours » Œuvre intégrale : Le Vicomte Pourfendu d’Italo Calvino Lectures analytiques :
Texte 1 : Extrait du Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley, 1931 – roman d’anticipation ou dystopie / contre-utopie
Texte 2 : Extrait du Vicomte Pourfendu d’Italo Calvino, 1952 – roman ou conte philosophique
Texte 3 : Extrait de L’Homme bicentenaire d’Isaac Asimov, 1976 – nouvelle
Texte 4 : Extrait de La Controverse de Valladolid de Jean-Claude Carrière, 1992 - roman dramatique, adapté au théâtre en 1993
Texte 5 : Extrait du Monde comme il va, vision de Babouc écrite par lui-même de Voltaire, 1748 – conte philosophique Lectures complémentaires :
La Fontaine, Fables, « Le loup et l’agneau », « Les Oreilles du Lièvre », « Les Animaux malades de la peste », « Les Obsèques de la lionne », « L’Homme et la couleuvre »
Anouilh, Fables, « Le procès », « Le Carrosse inutile »
Réécritures d’une fable : La cigale et la fourmi par Esope, La Fontaine, Anouilh, Queneau Vous trouverez ci-joints les textes des lectures complémentaires et des extraits plus amples des romans dont seront extraites les lectures analytiques.
La Fontaine, Fables, 1668, « Le Loup et l'Agneau »
La raison du plus fort est toujours la meilleure : Nous l'allons montrer tout à l'heure. Un Agneau se désaltérait Dans le courant d'une onde pure. Un Loup survient à jeun qui cherchait aventure, Et que la faim en ces lieux attirait. Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ? Dit cet animal plein de rage : Tu seras châtié de ta témérité. - Sire, répond l'Agneau, que votre Majesté Ne se mette pas en colère ; Mais plutôt qu'elle considère Que je me vas désaltérant Dans le courant, Plus de vingt pas au-dessous d'Elle, Et que par conséquent, en aucune façon, Je ne puis troubler sa boisson. - Tu la troubles, reprit cette bête cruelle, Et je sais que de moi tu médis l'an passé. - Comment l'aurais-je fait si je n'étais pas né ? Reprit l'Agneau, je tette encor ma mère. - Si ce n'est toi, c'est donc ton frère. - Je n'en ai point. - C'est donc quelqu'un des tiens : Car vous ne m'épargnez guère, Vous, vos bergers, et vos chiens. On me l'a dit : il faut que je me venge. Là-dessus, au fond des forêts Le Loup l'emporte, et puis le mange, Sans autre forme de procès.
La Fontaine, Fables, 1668, « Les Oreilles du Lièvre »
Un animal cornu blessa de quelques coups
Le lion, qui plein de courroux,
Pour ne plus tomber en la peine,
Bannit des lieux de son domaine
Toute bête portant des cornes à son front.
Chèvres, béliers, taureaux aussitôt délogèrent;
Daims et cerfs de climat changèrent :
Chacun à s'en aller fut prompt.
Un lièvre, apercevant l'ombre de ses oreilles,)
Craignit que quelque inquisiteur
N'allât interpréter à cornes leur longueur,
Ne les soutînt en tout à des cornes pareilles.
«Adieu, voisin grillon, dit-il; je pars d'ici :
Que le plus coupable périsse. - Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon Roi ; Vos scrupules font voir trop de délicatesse ; Et bien, manger moutons, canaille, sotte espèce, Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes Seigneur En les croquant beaucoup d'honneur. Et quant au Berger l'on peut dire Qu'il était digne de tous maux, Etant de ces gens-là qui sur les animaux Se font un chimérique empire. Ainsi dit le Renard, et flatteurs d'applaudir. On n'osa trop approfondir Du Tigre, ni de l'Ours, ni des autres puissances, Les moins pardonnables offenses. Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples mâtins, Au dire de chacun, étaient de petits saints. L'Ane vint à son tour et dit : J'ai souvenance Qu'en un pré de Moines passant, La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et je pense Quelque diable aussi me poussant, Je tondis de ce pré la largeur de ma langue. Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut parler net. A ces mots on cria haro sur le baudet. Un Loup quelque peu clerc prouva par sa harangue Qu'il fallait dévouer ce maudit animal, Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal. Sa peccadille fut jugée un cas pendable. Manger l'herbe d'autrui ! quel crime abominable ! Rien que la mort n'était capable D'expier son forfait : on le lui fit bien voir. Selon que vous serez puissant ou misérable, Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. La Fontaine, Fables, 1668, « Les Obsèques de la lionne »
La femme du lion mourut ; Aussitôt chacun accourut Pour s'acquitter envers le prince De certains compliments de consolation Qui sont surcroît d'affliction. Il fit avertir sa province Que les obsèques se feraient Un tel jour, en tel lieu, ses prévôts y seraient Pour régler la cérémonie, Et pour placer la compagnie. Jugez si chacun s'y trouva.
Le prince aux cris s'abandonna, Et tout son antre en résonna: Les lions n'ont point d'autre temple. On entendit, à son exemple, Rugir en leurs patois messieurs les courtisans. Je définis la cour un pays où les gens, Tristes, gais, prêts à tout, à tout indifférents, Sont ce qu'il plaît au prince, ou, s'ils ne peuvent l'être, Tâchent au moins de le parêtre : Peuple caméléon, peuple singe du maître ; On dirait qu'un esprit anime mille corps : C'est bien là que les gens sont de simples ressorts. Pour revenir à notre affaire, Le cerf ne pleura point. Comment eût-il pu faire ? Cette mort le vengeait : la reine avait jadis Etranglé sa femme et son fils. Bref, il ne pleura point. Un flatteur l'alla dire, Et soutint qu'il l'avait vu rire. La colère du roi, comme dit Salomon, Est terrible, et surtout celle du roi lion ;
| Mes oreilles enfin seraient cornes aussi;
Et quand je les aurais plus courtes qu'une autruche,
Je craindrais même encor.» Le grillon repartit :
«Cornes cela ? Vous me prenez pour cruche;
Ce sont oreilles que Dieu fit.
- On les fera passer pour cornes,
Dit l'animal craintif, et cornes de licornes.
J'aurai beau protester; mon dire et mes raisons
Iront aux Petites-Maisons. »
La Fontaine, Fables, 1668, « Les Animaux malades de la peste » Un mal qui répand la terreur, Mal que le Ciel en sa fureur Inventa pour punir les crimes de la terre, La Peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom) Capable d'enrichir en un jour l'Achéron, Faisait aux animaux la guerre. Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés : On n'en voyait point d'occupés A chercher le soutien d'une mourante vie ; Nul mets n'excitait leur envie ;
Ni Loups ni Renards n'épiaient La douce et l'innocente proie. Les Tourterelles se fuyaient : Plus d'amour, partant plus de joie.
Le Lion tint conseil, et dit : Mes chers amis, Je crois que le Ciel a permis Pour nos péchés cette infortune ; Que le plus coupable de nous Se sacrifie aux traits du céleste courroux, Peut-être il obtiendra la guérison commune. L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents On fait de pareils dévouements : Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence L'état de notre conscience. Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons J'ai dévoré force moutons. Que m'avaient-ils fait ? Nulle offense : Même il m'est arrivé quelquefois de manger Le Berger. Je me dévouerai donc, s'il le faut ; mais je pense Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi : Car on doit souhaiter selon toute justice Mais ce cerf n'avait pas accoutumé de lire. Le monarque lui dit : "Chétif hôte des bois, Tu ris ! tu ne suis pas ces gémissantes voix. Nous n'appliquerons point sur tes membres profanes Nos sacrés ongles : venez, loups, Vengez la reine, immolez tous Ce traître à ses augustes mânes." Le cerf reprit alors :« Sire, le temps de pleurs Est passé; la douleur est ici superflue. Votre digne moitié, couchée entre des fleurs, Tout près d'ici m'est apparue ; Et je l'ai d'abord reconnue. « Ami, m'a-t-elle dit, garde que ce convoi, « Quand je vais chez les dieux, ne t'oblige à des larmes. « Aux Champs Elysiens j'ai goûté mille charmes, « Conversant avec ceux qui sont saints comme moi. « Laisse agir quelque temps le désespoir du roi: « J'y prends plaisir.» A peine on eut ouï la chose, Qu'on se mit à crier : " Miracle, Apothéose!" Le cerf eut un présent, bien loin d'être puni.
Amusez les rois par des songes ; Flattez-les, payez-les d'agréables mensonges : Quelque indignation dont leur coeur soit rempli, Ils goberont l'appât ; vous serez leur ami.
La Fontaine, Fables, 1668, L'Homme et la Couleuvre Un Homme vit une Couleuvre. Ah ! méchante, dit-il, je m'en vais faire une oeuvre Agréable à tout l'univers. A ces mots, l'animal pervers (C'est le serpent que je veux dire Et non l'homme : on pourrait aisément s'y tromper), A ces mots, le serpent, se laissant attraper, Est pris, mis en un sac ; et, ce qui fut le pire, On résolut sa mort, fût-il coupable ou non. Afin de le payer toutefois de raison, L'autre lui fit cette harangue : Symbole des ingrats, être bon aux méchants, C'est être sot, meurs donc : ta colère et tes dents Ne me nuiront jamais. Le Serpent, en sa langue, Reprit du mieux qu'il put : S'il fallait condamner Tous les ingrats qui sont au monde, A qui pourrait-on pardonner ? Toi-même tu te fais ton procès. Je me fonde Sur tes propres leçons ; jette les yeux sur toi. Mes jours sont en tes mains, tranche-les : ta justice, C'est ton utilité, ton plaisir, ton caprice ; Selon ces lois, condamne-moi ; Mais trouve bon qu'avec franchise En mourant au moins je te dise Que le symbole des ingrats Ce n'est point le serpent, c'est l'homme. Ces paroles Firent arrêter l'autre ; il recula d'un pas. Enfin il repartit : Tes raisons sont frivoles : Je pourrais décider, car ce droit m'appartient ; Mais rapportons-nous-en. - Soit fait, dit le reptile. Une Vache était là, l'on l'appelle, elle vient ; Le cas est proposé ; c'était chose facile : Fallait-il pour cela, dit-elle, m'appeler ? La Couleuvre a raison ; pourquoi dissimuler ? Je nourris celui-ci depuis longues années ; Il n'a sans mes bienfaits passé nulles journées ; Tout n'est que pour lui seul ; mon lait et mes enfants Le font à la maison revenir les mains pleines ;
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