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malade pour devoir craindre de mourir..." (115)

Abattue, désespérée, elle n'en est pourtant qu'à la première station de son calvaire. Un certain jour de juillet, tandis que le régiment de Picardie se repose sur ses lauriers (il vient d'en­lever Douai), elle reçoit de Paris de stupéfiantes nouvelles. Barbin qui avait en vain tenté d'obtenir d'elle l'autorisation de publier ses lettres, a passé outre, et voilà que vont courir le monde non seulement ses "relations" indifférentes, mais ses cris les plus intimes!

Revenons quelque peu en arrière. Au début de mai, l'éditeur lui écrit jusqu'en Hollande, tant cette publication l'intéresse. D'Amsterdam, le 25 mai, Mlle Desjardins lui répond par un refus net et motivé (116). Elle est catégorique, mais non pas inquiète, car il faudrait supposer, pour que pareille édition pût voir le jour, que "le seul homme qui a d'elle des lettres tendres en fût mauvais ménager". Or cet homme, il est présentement à Péronne, pour la fastueuse revue que le souverain a commandée. Mais la malheureuse ignore que le 16 il était venu en coup de vent à Pa­ris chercher des fonds; or il en avait trouvé, et pas seulement auprès de son frère. Car que se passait il tandis que Marie­Catherine jouissait en paix de l'hospitalité de Constantin Huy­gens 7 Claude Barbin, le 6 juin, prend un privilège sur le roman de Carmente, mais aussi pour un receuil de correspondance inti­tulé Lettres et billets galants. Il spécifie qu'ils sont "de la composition de la demoiselle Des Jardins" et que celle ci les
(115) Lettre XIV, du 1er juillet.
(116) On voit mal à qui d'autre qu'à l'éditeur pourrait s'adresser ce qui va suivre "Quand les lettres tendres sont indifférentes, elles sont faibles; (...) si au contraire elles sont trop passionnées, celui qui les reçoit en est assez jaloux (ou du moins le doit être) pour les sauver de l'im­pression. Mais quand il serait possible que le seul hooma qui a des lettres tendres de moi en fût si mauvais ménager qu'il vous fût aisé d'en faire im­primer sans mon consentement, croyez vous qu'une lettre qui est belle aux yeux d'un amant parût telle aux yeux des gens désintéressés ? Non, Monsieur, il y a de certaines fautes dans les lettres d'amour qui font leurs plus gran­des beautés, et l'irrégularité des périodes est un effet des désordres du coeur qui est beaucoup plus agréable qux gens amoureux que le sens froid d'une lettre raisonnée... Mes lettres amoureuses sont trop tendres pour être exposées à d'autres yeux qu'à ceux de l'amour même."
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lui 'aurait remis entre les mains". Grossier mensonge on vient d'en lire la preuve. Or en fait, qui détenait ces billets, sinon leur destinataire, Antoine Boësset ? Et sils vont paraître sur la place publique, n'est ce pas parce qu'il les a donnés à Bar­bin ? Donnés, ou vendus ? Car on imagine mal pareil cadeau à un éditeur, quand le "bienfaiteur" est à court d'argent. Epouvantée, incrédule devant cette "trahison", Mlle Desjardins fait parvenir à son correspondant parisien toutes pièces utiles "pour arrêter le torrent de cette injustice". Toutefois, elle ne laisse pas de lui recommander la "modération" dans ce qu'il faudra entreprendre pour défendre sa "gloire" si odieusement compromise

"Prenez le parti del'équité et non pas celui de la ven­geance, et songez qu'on se fait autant de tort en informant le public de l'aveuglement de notre estime que nos faux amis nous en font quand ils se rendent indignes de la posséder. Je suis encore si tendre là dessus, ou pour mieux dire si peu sensée que les intérêts propres de cet homme causent ma dou­leur la plus violente, et je suis plus sensible à la mau­vaise réputation qu'il va s'acquérir qu'à celle qu'il a­vait entrepris de me donner (..) Je veux seulement qu'on

le trouve honnête, et non pas qu'on le traite comme un mé 

chant; je veux empêcher qu'il ne fasse une action qui doit

détruire son honnêteté, et non pas soutenir la mienne.

Cependant si vous ne pouvez plus me défendre qu'en le per 

dant entièrement, ne me défendez point, je vous en conjure.

J'aime mieux être la victime de son ingratitude que de le

voir victime de ma dureté, et je suis si assurée que le Ciel

me fera une justice plus sévère que je ne la ferais moi 

même que je laisse entièrement la conduite de cette affaire

entre ses mains." (117)

Mais il est trop tard. Tout ce qu'on pourra gagner, c'est

que soit retiré du privilège le nom de l'offensée, et que la

publication soit réduite à un nombre discret d'exemplaires (118).

Quant à la procédure à engager contre Antoine, elle devint vite

inutile : à l'aube du 25 août, le capitaine Boësset de Villedicu

tombait glorieusement sous les remparts de Lille, à l'attaque du

bastion de Fives (119). Ce n'est pas tout : Guillaume Desjardins
(117) Lettre du 1er août 1667, de Spa. (118) Cf. Introduction de l'édition des Lettres et billets galants, 1975.

(119) Cf. Derôme, p. 46, d'après La Gazette. Voir aussi Robinet, '  septembre 1667, in J. de Rothschild, Les Continuateurs de Loret, t.II,p.1002, y. 122.
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déjà souffrant meurt à Clinchemore; enfin le procès hollandais,

où il semble que "tout le bien" de Marie Catherine ait été en

jeu, connaît une issue totalement ruineuse. A cette grêle, la

malheureuse fera face avec un courage qui force l'admiration

(120). Un sourire, tout de même, au milieu de ces larmes : de

Paris, une lettre de sympathie lui parvient; elle émane de Mme

de Morangis, sa première protectrice (121), et rappelle tant de

doux souvenirs que Mlle Desjardins, incapable d'écrire une ligne

de poésie depuis "dix mois", répond, en vers, tout aussitôt

(122). Le salut viendra de Carrnente qui vient de sortir à Paris.

En effet, la duchesse de Nemours, dédicataire de l'ouvrage, s'in 

quiète du sort de celle qui lui offre son premier vrai roman,

et sans doute lui donne t elle l'hospitalité à Neuchâtel pour

l'hiver et le printemps 1668. C'est en effet à Neuchâtel que

Cldonice paraît bien avoir été composée (123), après la Revue

des troupes d'amour, publiée à Fribourg (12k).

Puis c'est le retour, sinistre, à Paris. Certaine incons 

ciente, non identifiable, profite de ses malheurs pour trans 

former en écrivain public cet être brisé

"Il faut être aussi absolue sur mon esprit que vous l'êtes, ma belle dame, pour me faire résoudre à répondre à une lettre amoureuse. Il y a si longtemps que j'ai re­noncé à tout commerce avec l'amour que bien qu'il ne s'a­gisse ici que de parler pour un autre, je vous avoue que j'ai une peine extrême à obtenir cette complaisance de ma plume; mais, Madame, des obligations si essentielles et si récentes me soumettent à vos ordres qu'il m'est impossible de m'en dispenser." (Nouveau recueil..., p. 17.) Il faut maintenant tenter de vivre. La pension, sollicitée
(120) Cf. annexe I, p. 29.

(121) Cf. Chap. II, p. 61.

(122) "Aimable M(orangis), aurais je dû penser

Qu'au milieu de mes justes larmes

Vous vinssiez m'arracher par de vos charmes

Des vers où ma douleur m'avait fait renoncer ? Depuis dix mois ma veine était tarie Par les pleurs que j'ai répandus..." (Lettre XXIV non datée) (123) Cf. Chap. VI, p. 233. (124) Cf. annexe II, pp. 39 41.
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au lendemain du Favory paraît, dans l'immédiat, la meilleure carte à jouer. Hugues de Lionne s'entremet et obtient gain de cause mille cinq cents livres, c'est fort convenable (125), même s'il faut voir dans cette faveur le salaire d'un certain nombre de pièces de circonstances qui n'ajoutent rien à la gloire de leur auteur (126). Mais entre les promesses et l'exécution, il y a un monde. Marie Catherine s'adresse alors directement à Colbert (127), et se voit matériellement contrainte de laisser Barbin publier, en juillet, ses lettres des Pays Bas (128) en même temps que Cléonice. Cette fois, et c'est définitif, Marie Catherine se présente au public sous le nom de Mme de Villedieu. Le prin­cipal opposant n'est plus; son épouse, à cette date, est rema­riée. La famille Boësset n'y voit d'ailleurs nul inconvénient, bien au contraire, car quand Jean Baptiste se remariera pour la troisième fois, le 27 juillet 1673, celle qu'il considère comme sa belle soeur est invitée à signer au contrat, aux côtés de son frère Jacques, mais de son seul nom de jeune fille (129). En revanche, elle avait pris l'habitude en toutes circonstances de rappeler une qualité précieuse entre toutes, plaçant côte à côte deux noms que la vie avait séparés, mais que la mort, sans véri­table imposture, permettait enfin de réunir (130). Pour sa part,
(125) Nouveau recueil... "A Mgr de Lionne sur ce qu'il lui avait pro­curé une pension de mille cinq cents livres" (p. 154); "A Mgr de Lionne, estrennes" (p. 28).

(126) Nouveau recueil de pieces galantes par Mine de Villedieu, Paris, Barbin, 1669. "Vers irréguliers sur ce que le Roi se baignait dans sa cham­bre au lieu de se baigner dans la rivière" (p. 143); "Au Roi le jour de la fête de Saint Louis" (p. 149); "Lettre écrite à Mgr. de Lionne sur la nais­sance de Monsieur, second fils de France" (p. 31); "Relation d'une chasse du Roi et des daines de la Cour" (p. 3).

(127) "A Mgr de Colbert, pour être payée de l'ordonnance, placet", ibid., p. 159.

(128) Dans le Recueil de quelques lettres et relations galantes ne figure aucune lettre intime.

(129) Derrière le nom de Des Jardins "suit une ligne rayée et bâtonnée qui est indéchiffrable", écrit Derdme. Il y a gros à parier que le notaire des Boêsset croyait de bonne foi Marie Catherine mariée à Antoine, et qu'il avait préparé l'acte en conséquence. (Cf. XX, 3142)

(130) Marraine à Mamers le 214 août 1670, elle se fait nommer : dame Catherine Desjardins, veuve d'Antoine de Boësset, écuyer, sieur de Villedieu .1.
     _st
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le libraire ne fait aucune difficulté à croire, ou à faire sem 

blant de croire à un mariage, célébré peu avant la mort du héros

de Lille (131). Ce nom de Villedieu, la romancière lui donne un

lustre considérable à partir de 1669 ses oeuvres s'arrachent

et elle écrit abondamment. Puis, vers 1672, la production se ra 

lentit. Un certain dégoût de la vie s'empare de Marie Catherine,

è moins qu'il ne s'agisse de scrupules d'ordre intime et d'un

besoin profond de retraite 1près de rudes épreuves. Les Exilés

restent en panne, et Barbin doit lui arracher l'autorisation de

publier les derniers tomes dont il a le manuscrit depuis trois

ans (132). Selon toute apparence, pendant ces trois années,

Mme de Villedieu a voulu mettre entre elle et le monde la clô 

ture protectrice d'un couvent. L'éditeur, mieux renseigné que

quiconque, est formel

"Elle voulut prendre un état qui la pût maintenir dans

la vertu qu'elle avait dessein d'embrasser." Sur ce thème les frères Parfait brodent des détails invérifia­bles (133). Derôme précise pour sa part que la maison religieuse choisie serait le couvent des Bénédictines de Conflans (13 ).
major au Régiment de Picardie. Précision inhabituelle sur le Registre de la Communauté des Libraires, pour l'enregistrement du privilège des Exilés et des Galanteries grenadines : "Dudit 21 ears 1672 Mlle Des Jardins, veuve du feu sieur de Villedieu, nous a présenté un privilège à elle accordé..." Cf. en­core n. l'43.

(131) Cf. Notices, annexe I.

(132) Dans un avis au lecteur, il présente des excuses en ces termes "C...) il a le livre depuis trois ans, mais (il) n'a pu le donner plus tôt au public par suite de considérations qu'il n'a pu vaincre, mais (...) celles ci sont enfin cessées, ou du soins assez adoucies pour lui permettre d'en user à sa volonté". (t. V)

(133) Impressionnée par le décès subit d'une amie, qui avait trouvé la mort en ingérant un philtre d'amour, Marie Catherine se serait adressée direc­tement à Mgr de Harlay, "qui, charmé de la conversation de cette spirituelle personne, la fit entrer dans une maison religieuse où elle se fit aimer et estimer par la douceur de son esprit et la piété qu'on remarqua dans ses ac­tions." Mais des esprits mal intentionnés révèlent l'identité de l'édifiante recrue et la font chasser. Pour sa part, le ma. Nues acq. 4333 se borne à affirmer : "Elle est revenue à la dévotion 1674." (f° 321)

(134) Commune de Charenton; Il existait en effet à Conflans une maison religieuse nommée "Le séjour de Flandre et de Bourgogne", dont les Bénédic­tines avaient fait le prieuré de la Conception et de Saint Joseph c'est

.1.
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Mais la vie conventuelle a ses servitudes. Habituée à jouir de l'indépendance, Marie Catherine s'accommodait mal de la sainte obéissance; elle entendait bien, notamment, continuer à écrire des vers, pieux sans doute, mais néanmoins vers, déplorable amu­sement du siècle! (135) Entre la vie religieuse ainsi comprise et les exigences de sa nature, la femme de lettres qu'elle était ne tarda pas à opter : "Elle rentra dans le monde", écrit Barbin.

Mais cette conversion n'était tout de même pas une plaisan 

terie. Attachée à l'écritoire pour assurer sa subsistance, la

religieuse manquée marque ses romans au coin d'un prosélytisme

iconoclaste. Les lecteurs, dûment avisés, ne s'étonneront pas

malignement de cette orientation inattendue de la part d'une

femme qui s'est acquis de la gloire à entrer dans les délica 

tess de l'amour "pour en dire du mal", il faut précisément

"en avoir fait une parfaite expérience" (136). Dams son dernier

ouvrage, Mme de Villedieu choisit "les noires couleurs".

Mais la fortune lui réserve une surprise qu'elle n'attend plus. C'est lorsqu'elle acessé d'écrire qu'arrive enfin la pen­sion naguère si désirée (137) : le montant en est diminué de moitié, mais en cette époque de restriction budgétaire, ce bre­vet constitue une rareté. Sans doute était ce l'effet de l'inter­vention de Jean Baptiste. Fixée à Paris, Mme de Villedieu mène une vie retirée, fréquentant surtout les Boêsset. C'est sans doute chez eux, et particulièrement chez Jacques (138) qu'un jour de l'année 1676, elle fait la connaissance d'un officier d'origine illustre, revenu de l'expédition de Candie : c'était le petit fils d'Adhémar de Clermont de Chaste, commandeur de l'ordre de Malte, vice amiral du Ponant. Le roi Henri IV s'était souvenu qu'il devait à ce grand dignitaire la remise de Dieppe
l'actuel petit Séminaire. Mais, de cet établissement, il ne subsiste que les registres concernant les années 1742 à 1763.

(135) Notice de Barbin.

(136) DA, fin de la seconde nouvelle.

(137) A.N. 01 20 f° 253 y°. Brevet signé à Versailles par le roi et Colbert le 6 août 1676. Six cents livres.

(138) C'est ce que prétendent les frères Parfait.
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et le versement d'une somme considérable; aussi, après son ac 

cession au trône, l'avait il aidé à mettre un peu d'ordre dans

sa vie privée. Il avait légitimé ses neuf enfants, faisant du

troisième fils, Adrien, un moine de la belle abbaye de Fécamp

dont son père était commendataire. Mais Adrien n'avait pas non

plus la vocation religieuse; il était parvenu à se faire relever

de ses voeux et s'était marié en Dauphiné (139) où il était connu

sous le nom de sieur de Chalon. Il lui était né un fils, Claude 

Nicolas, qui avait alors cinquante cinq ans (1O). Marie Cathe 

rine en avait trente sept. Qu'elle se fût éprise de ce vieux sol 

dat est peu probable. Mais il lui demeurait en l'âme la nostal 

gie de la "naissance", d'un mariage enfin légitime qui lui per 
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