
Note sur la circulaire du premier Ministre portant sur les relations entre associations et pouvoirs publics
Une circulaire pour redonner du souffle au partenariat
30 septembre 2015
Une circulaire encadrant les relations entre associations et pouvoirs publics a été publiée par le 1er Ministre le 29 septembre 2015. Proposant un nouveau cadre contractuel visant notamment l’attribution de subventions, elle s'inscrit dans la continuité de la définition législative de ce mode indispensable de financement revendiqué de longue date par le Mouvement associatif et inscrite dans la loi ESS de juillet 2014.
Alors que le recours aux marchés publics pour financer les associations s’est fait de plus en fréquent, cette circulaire invite les pouvoirs publics à tous les échelons et sur tout le territoire à faire le choix politique du partenariat avec les associations. Comment ? A travers un cadre de subventionnement juridiquement étayé et eurcompatible, facile à mettre en œuvre. Son enjeu résidera principalement dans son appropriation, en particulier par l’ensemble des collectivités locales.
Conçue comme le premier acte de déclinaison de la Charte des engagements réciproques adoptée en février 2014, cette circulaire a vocation à remplacer la circulaire dite « Fillon » datant du 18 janvier 2010. Elle propose un cadre sécurisé d'attribution des subventions en présentant des modèles clés en main de conventions pluriannuelles d'objectifs, utilisables par tous les acteurs publics, qui intègrent les obligations du droit français et du droit européen en matière d'aide d'Etat. Ces modèles peuvent être enrichis par des objectifs définis conjointement par les acteurs. L’enjeu est de dissuader les pouvoirs publics de recourir de manière abusive au marché public quand cela ne se justifie pas. Elle sera complétée par un guide d’usage à destination des collectivités locales rappelant que la subvention est un choix politique et non une simple modalité d’attribution de financement. En effet, la subvention, contrairement à la commande publique, permet le dialogue entre les pouvoirs publics et les associations dans l'optique d'une co-construction des politiques publiques. Ce sont bien les acteurs associatifs qui doivent être à l’initiative des projets d’action, ce qui leur permet de favoriser l’engagement citoyen et bénévole dans l'action publique et l'innovation sociale.
Pour Le Mouvement associatif, qui a été étroitement associé à la concertation sur ce texte, aux côtés des représentants des ministères sectoriels et des collectivités locales, le résultat est plutôt satisfaisant : la circulaire encourage explicitement les acteurs publics à la co-construction et au partenariat avec les associations, conformément à l‘esprit de la Charte des engagements réciproques. La capacité d’innovation de ces dernières y est largement reconnue et le critère de l’initiative est en effet réaffirmé comme un élément majeur de distinction entre commande publique et subvention. Son propos général rappelle d'ailleurs utilement que l’augmentation du recours à la commande publique et aux appels à projets trop encadrés de ces dernières années a été une source d’affaiblissement de la capacité d’innovation des associations.
Modèle de CPO simplifié
Parmi ses principaux atouts, la circulaire a l'intérêt de proposer deux modèles distincts de CPO :
un modèle qui intègre les obligations européennes sur les aides d'Etat (annexe 3): il s'adresse aux associations d'intérêt général ayant une activité économique et ayant reçu plus de 500 000 euros d'aide sur les 3 derniers exercices fiscaux. Les obligations européennes qu'il contient sont les suivantes : la convention doit préciser la politique publique dans laquelle s'inscrit la subvention ainsi que les modalités de détermination du montant de la subvention et elle doit indiquer les modalités de contrôle et de reversement d'un éventuel excédent trop-versé de subvention au-delà d'un « excédent de gestion » raisonnable.
un modèle dit "simplifié » (annexe 2) : il s'adresse quant à lui aux associations qui reçoivent moins de 500 000 euros d’aides sur 3 ans ou qui n'ont pas d'activité économique, celles-ci n’étant pas concernées par l’application de la législation européenne sur les aides d’Etat. Ce modèle, réclamé par les acteurs associatifs, sera très utile dans la mesure où la très grande majorité des associations perçoit des subventions d’un faible montant financier. Il est dit simplifié car il n'intègre pas les obligations comptables et administratives induites par la législation européennes sur les aides d’Etat. Avec ce modèle simplifié, la circulaire corrige une des limites de la précédente circulaire du 18 janvier 2010 qui ne proposait qu'un seul modèle unique d'attribution des subventions, obligeant les associations recevant de faibles montant de subventions, à se soumettre aux obligations européennes.
Un autre apport de la circulaire consiste à présenter une méthode pour caractériser un Service d’intérêt général non économique (SIGNE) inspirée de la règle des 4P (examen de l’environnement concurrentiel et des conditions d’exercice du service d'intérêt économique général autour de 4 indicateurs portant sur le Public, le « Produit », le Prix, la « publicité »). Cette démarche constitue un moyen intéressant de permettre à un certain nombre d’activités associatives considérées comme non économiques de se voir appliquer le modèle de CPO simplifié quel que soit le montant des aides reçues. Reste à espérer que cette méthode, nécessairement complexe, soit réellement utilisée par les pouvoirs publics et portée par les associations elles-mêmes. Possibilité de réaliser des excédents
Autre intérêt majeur de cette circulaire : elle prévoit la possibilité pour l’association bénéficiaire d’une subvention de réaliser et de conserver un excédent de gestion. L'objectif est de lutter contre la tendance des pouvoirs publics à refuser qu’une association, parce qu’elle a bien géré son budget, réalise un excédent. En effet, cet excédent, dès lors qu’il reste raisonnable et proportionné au montant de l’aide publique, est légal et essentiel à la constitution de fonds propres par l’association, l’une des garanties du renouvellement et d'innovation dans les projets. Ces fonds propres sont par ailleurs nécessaires au fonds de roulement et à la gestion de la trésorerie des associations qui doivent faire face aux décalages de paiement importants de leurs financeurs et qui ne disposent a priori pas de capital initial. Et qui jusqu’alors devaient faire preuve ici de prudence, là de recours aux banques avec à la clef des frais financiers. Sur ce point, la circulaire prévoit le versement de l’avance fixée dans la CPO avant le 31 mars de chaque année.
Modalités d'instruction simplifiées…
S'inscrivant dans l'objectif de simplification administrative, la circulaire comprend une annexe sur les modalités d'instruction de la subvention qui rappelle l'obligation de recourir au formulaire unique CERFA et recommande aux collectivités territoriales de l'utiliser. Afin d'éviter que les pouvoirs publics n'obligent les associations à fournir tous les justificatifs de leurs financements par des autorités publiques, le mode « déclaratif » est retenu pour l’élaboration des dossiers. De plus, elle instaure le principe du dossier permanent selon la logique du "Dites-le-nous une fois". L'idée est que chaque service gestionnaire conserve un dossier « permanent » pour chaque association qui lui évite de demander plusieurs fois les mêmes informations ou documents. L'annexe encourage par ailleurs l'inscription des subventions dans la durée en invitant les pouvoirs publics à privilégier les conventions pluriannuelles d’objectif aux conventions conclues sur une base annuelle. …Et recueil d’initiatives
Enfin, la circulaire prévoit la possibilité de procéder à un recueil d'initiatives associatives pour favoriser la "coopération plus étroite entre pouvoirs publics et associations dans une dynamique de co-construction". Ayant fait l'objet de nombreux débats lors de la phase de concertation, ce recueil est finalement présenté comme une démarche facilitée et appropriée d'attribution des subventions et non, heureusement, comme une procédure juridique à part entière à mi-chemin entre la subvention et le marché public. Ses modalités seront précisées dans le guide d'usage des subventions à paraître.
Les conditions de réussite de cette démarche dépendront beaucoup de la volonté des acteurs d’engager un dialogue au long cours en particulier au sein d’espaces dédiés. Des modalités trop rigides ou à la seule initiative des Pouvoirs publics affaibliraient la qualité du dialogue voire tendrait à une logique directive avec le double risque de mise en concurrence des associations et de requalification en commande publique. Logique interministérielle
Enfin, la circulaire amorce une logique « interministérielle » nécessaire à la cohérence de la politique associative de l'Etat, en réaffirmant le rôle des DDVA et instaurant les DRVA qui doivent aussi tenir compte du rôle des fédérations, réseaux, groupements d’associations. Cette dimension « interministérielle » qui concerne également les collectivités territoriales dans le champ de leurs différentes compétences et de leurs délégations politiques à coordonner dans un souci de cohérence pour le soutien de la vie associative par nature transversale. Conclusion : un enjeu d’accompagnement
Au final, le texte et en particulier son annexe 1 explicative reste complexe et difficile d’accès. Bien que Le Mouvement associatif ait plaidé pour un maximum de clarté et de simplification, la partie explicative sur le droit européen reste très détaillée. Malgré des avancées enregistrées au cours des discussions, le risque demeure que sa complexité générale conduise les collectivités territoriales à recourir aux procédures et techniques administratives qu'elles maitrisent le mieux : la commande publique. Un enjeu majeur nécessitant de déployer dans les prochains mois des efforts de pédagogie pour accompagner cette circulaire et la rendre opérationnelle rapidement sur les territoires qui en ont grandement besoin pour voir réaliser les projets associatifs. |