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ALAIN BENSOUSSAN SELAS/ D ![]() Tribunal de grande instance de Paris - 3ème chambre, 3ème section 7 janvier 2009 Voyageurs du Monde, Terres d’Aventure / Google et autres ___________________________________________________________________________ Sources : Références au greffe : - RG n° 06/15309 Références de publication : ___________________________________________________________________________ La décision : FAITS ET PRETENTIONS La société Voyageurs du Monde est immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Paris depuis le 11 avril 1979. Elle exerce les activités de tour opérateur et d’agent de voyages. Elle est spécialisée dans l’organisation de voyage en individuel sur mesure. Cette société est titulaire de différentes marques semi-figuratives et verbales comportant la dénomination Voyageurs du Monde et de différents noms de domaine utilisant également ces termes. La société Terre d’Aventure est immatriculée au registre du commerce et d’industrie de Paris depuis le 3 mai 1976 et exerce également une activité de tour opérateur et d’agence de voyages. Elle est spécialisée dans l’organisation de voyages d’aventure, notamment dans l’organisation de randonnées ou de trekking. Cette société est également titulaire de différentes marques Terres d’Aventure et d’une marque Terdav, ainsi que de différents noms de domaine permettant d’accéder au site internet qu’elle édite. Dans le courant du printemps 2004, la société Voyageurs du Monde s’est aperçue que la saisie de la requête “voyageurs du monde” laissait apparaître des liens hypertextes publicitaires sur le moteur de recherche “google.fr” à destination de sites web dans le domaine du voyage. L’Agence pour la Protection des Programmes (APP) a dressé un constat les 27 et 28 avril 2004 à cet effet. Par lettre du 12 mai 2004, la société Voyageurs du Monde mettait en demeure la société Google de mettre fin à de tels actes. La société Google répondait qu’elle cessait l’affichage de liens sponsorisés suivant la saisie des mots-clés “voyageurs du monde” et “voyageur du monde”. Par constat des 5 et 7 mai 2004, l’APP constatait également la suggestion de la réservation du mot-clé “terre d’aventure” ou “terdav” dans l’outil “adwords” de la société Google. Suite aux lettres de mise en demeure qui étaient adressées à la société Google France les 18 mai et 2 juin 2004, celle-ci répondait qu’elle allait supprimer les marques en cause dans l’outil de suggestion du système “adwords”. Postérieurement, les sociétés demanderesses auraient constaté la persistance des faits précédemment dénoncés ainsi que leur apparition sur le moteur de recherche “Yahoo”. Aussi, elles ont assigné par acte d’huissier du 20 octobre 2006, les sociétés Google France et la société Overture dont le nom commercial est Yahoo Search Marketing en atteinte à la renommée de leurs marques “Voyageurs du Monde”, “Terres d’Aventure” et “Terdav”, en contrefaçon de ces mêmes marques, en usurpation de leurs dénominations sociales, noms commerciaux et noms de domaine, en publicité trompeuse, en concurrence déloyale et agissements parasitaires. Par des écritures du 4 septembre 2007, la société Google Inc est intervenue volontairement à l’instance. Par acte du 1er octobre 2007, les sociétés demanderesses ont assigné aux mêmes fins la société Google Ireland Limited. Par ordonnance du juge de la mise en état, il a été donné acte aux demanderesses de leur désistement d’instance et d’action à l’égard de la société Overture. Dans leurs dernières écritures du 15 septembre 2008, les sociétés Voyageurs du Monde et Terres d’Aventure demandent principalement au tribunal, au visa des articles L 711-2, L 713-5, L 713-2 et L 713-3 du Code de Propriété Intellectuelle, L 115-33 et L 121-1 du code de la consommation, des articles 1382 et 1383 du code civil de :
le tout sous le bénéfice de l’exécution provisoire de la décision à intervenir et de l’autorisation de sa publication sur différents supports (journaux, magazines et sites internet). Dans leurs dernières conclusions du 11 septembre 2008, les sociétés Google demandent au tribunal de :
En définitive, les sociétés Google demandent le débouté des prétentions des demanderesses et leur condamnation à leur payer une indemnité de 35 000 € en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile. DISCUSSION Sur la validité des constats APP : Les sociétés Google soutiennent que les procès-verbaux produits aux débats et dressés par les agents assermentés de l’Agence pour la Protection des Programmes à savoir, Pierre F., Ambroise S. et Virginie M. sont nuls pour les motifs suivants : d’une part, ils ont été réalisés pour la constatation d‘acte de contrefaçon de marque, matière pour laquelle, l’Agence pour la Protection des Programmes (APP) n’a pas de compétence légale, l’agrément du Ministre de la Culture à l’APP concernant uniquement la constatation des infractions aux articles L 335-2 et L 335-5 du Code de Propriété Intellectuelle ; d’autre part, les constatations effectuées ne relèvent pas de l’objet social de l’APP qui est limité à la défense “des intérêts moraux et matériels des personnes physiques ou morales, auteurs de logiciels ou concepteurs de technologie de l’information” ni de la défense de l’intérêt de ses membres, les sociétés demanderesses n’étant pas membres de l’Agence pour la Protection des Programmes ; enfin, l’offre de service de l’APP est contraire aux dispositions de l’article L 442-7 du code du commerce qui interdit d’offrir (de façon habituelle) des produits à la vente, les vendre ou fournir des services si ces activités ne sont pas prévues par des statuts. Si la compétence de l’Agence pour la Protection des Programmes porte en application de l’article L 331-2 du Code de Propriété Intellectuelle sur la constatation des atteintes portées aux droits d’auteur et à des droits voisins, rien de s’oppose à ce que ses agents puissent également constater dans le cadre d’une activité accessoire des atteintes portées à d’autres droits de propriété intellectuelle, étant observé alors qu’il ne s’agit pas d’actes d’huissier relevant du régime des nullités instauré par le Code de Procédure Civile ni de procès-verbaux ayant la même force probante que ceux des agents ou officiers de police judiciaire mais de simples constatations soumises à l’appréciation du tribunal. Compte-tenu des conditions d’objectivité et d’indépendance dont bénéficient les agents de l’APP ainsi que du parfait respect par ces derniers des vérifications techniques préalables nécessaires à toute constatation intervenant sur internet, le tribunal considère que les procès-verbaux produits présentement aux débats constituent la preuve des faits, objet des constatations, faits dont les sociétés Google ne démontrent pas le caractère erroné, leur assertion à cet égard n’étant étayée par aucun élément. Sur la valeur probante des impressions d’écran versées aux débats par les sociétés demanderesses : Les sociétés Google soutiennent que ces pièces n’ont aucune valeur probante faute de démonstration de la réalisation des vérifications techniques préalables nécessaires à tout constat sur internet. S’il est constant que la seule production de copie d’écran réalisée dans des conditions qui n’ont pas été constatées par un huissier ou par tout autre tiers présentant les conditions d’objectivité et d’indépendance nécessaires, est insuffisante pour établir la matérialité de l’atteinte à un droit de propriété intellectuelle, il en est autrement lorsque ces copies d’écran s’inscrivent dans une suite de constats d’huissier ou de pièces probantes qui donnent à ces copies d’écran une garantie de vraisemblance. En l’espèce, le tribunal relève que les demanderesses ont fait dresser six constats APP avant l’édition des copies d’écran en cause ainsi que deux constats d’huissier en date du 16 mars 2008 soit postérieurement, constats qui tous établissent la persistance de l’affichage de liens publicitaires hypertextes par la saisine des dénominations incriminées, liens à destination de sites internet offrant des prestations de voyagiste ainsi que le démontrent les copies d’écran ; que ces pages comportent toutes le logo de Google comme titre du site considéré et une mention différente en bas de page démontrant les différentes requêtes réalisées ; qu’elles reproduisent des résultats obtenus sur ce site (cf. informations figurant en bas de page) et font figurer des liens promotionnels hypertextes différents suivant les dates d’impression et les requêtes saisies. Au vu de ces éléments, le tribunal considère que les copies d’écran réalisées par les sociétés demanderesses ont valeur probante. Sur la valeur probantes des comptes Adwords communiquées par les sociétés Google : Les sociétés demanderesses soutiennent que les copies des comptes AdWords de sociétés qui leur sont concurrentes, produites par les sociétés Google n’ont aucun caractère probant, s’agissant de documents issus du système de gestion interne de ces sociétés dont les conditions de recueil ne sont pas connues. Dès lors que les sociétés Google sont poursuivies par les demanderesses en responsabilité pour avoir permis à certains des clients du système publicitaire “AdWords” de faire afficher leurs liens promotionnels hypertextes à partir des mots-clés choisis par eux reproduisant les marques des demanderesses, ces sociétés sont bien-fondées à produire aux débats comme moyens de défense, les comptes “Adwords” des dits clients pour justifier du mal-fondé des prétentions des demanderesses. Si celles-ci doutaient de la véracité des dits comptes, il leur appartenait de saisir le juge de la mise en état d’une demande de production par ces sociétés tierces d’un relevé de leur compte “adwords” étant relevé qu’aucun élément n’accrédite en l’état leur allégation de manipulation par les sociétés Google des comptes en cause. Aussi, ces pièces sont considérées par le tribunal comme des éléments de preuve ayant une valeur probante. Sur la validité des marques opposées : Les sociétés Google soutiennent que les marques “Terres d’Aventure” et “ Voyageurs du Monde” sont nulles pour défaut de distinctivité en application de l’article L 711-2 du Code de Propriété Intellectuelle, les signes étant composés de termes descriptifs des activités désignées ou de leurs caractéristiques. Le tribunal relève que la marque Terres d’Aventure n° 99 782 364 et les marques Voyageurs du Monde n° 9 983 147 1 et 9 983 147 4 sont des marques semi-figuratives et que dès lors elles ne peuvent être déclarées nulles pour défaut de distinctivité, l’élément figuratif étant de fantaisie et apte, combiné à l’élément dénominatif à assurer la distinctivité de ces titres au regard des services désignés. S’agissant des marques purement dénominatives “Voyageurs du Monde” n° 0 303 096 0 déposée le 29 mai 2000 et “Terres d’Aventure” n° 1 592 015 déposée le 23 janvier 1989 pour désigner les services suivants, pour la première “transport de personnes, agence de tourisme et de voyages, information concernant le voyage... organisation de voyages et séjour, réservation de places pour les voyageurs, location de véhicules de transport, réservation d’hôtel pour voyageur” pour la seconde “agence de tourisme, réservation de chambres d’hôtel” le tribunal remarque que si elles sont composées de termes évocateurs du domaine concerné, à savoir les “voyageurs”, le “monde”, l’“aventure”, les “terres”, ces mots pris dans leur combinaison ne servent pas à désigner les services précités visés à l’enregistrement ni une de leurs caractéristiques. Au surplus l’exploitation de ces marques depuis 2000 pour la première et depuis 1989 pour la seconde, relayée par les différents médias nationaux (cf. revue de presse produite) et promue par des investissements publicitaires importants leur ont fait acquérir une distinctivité certaine par l’usage. Dans ces conditions, les demandes de nullité des marques opposées sont rejetées. |