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La période MessadiAgrégé d’arabe, parfait bilingue, universitaire brillant, Mahmoud Messadi fut le troisième ministre de l’Education nationale, mais il en contrôla l’orientation de 1958 à 1968. Partisan convaincu du bilinguisme9, il n’en sous-estimait pas les exigences. Il réalisa la première réforme de l’enseignement en 1958, en décidant que les deux premières années de l’enseignement primaire se feraient uniquement en arabe. En même temps, il fit rédiger des manuels d’arabe selon une pédagogie moderne. Cette réforme supprimait les écoles coraniques et rattachait l’université islamique de la Zitouna à l’Université de Tunis10. Cette impulsion première ne put se maintenir. Sur le plan extérieur, les ruptures de Bourguiba avec le monde arabe (à propos de la Palestine en 196511, avec l’Égypte en 196612) entraînèrent une réserve vis-à-vis de l’arabisme. Une tendance socialiste se dessine avec Ahmed ben Salah, qui accorde la priorité au développement. Des difficultés surgissent dans l’enseignement. Ahmed ben Salah, déjà secrétaire d’État au plan et à l’économie, remplace Mahmoud Messadi à l’Éducation nationale en juillet 1968 : il y entreprend une réforme de l’enseignement, qui comporte le rétablissement du français dans les deux premières années de l’enseignement primaire13. La période MzaliOriginaire de Monastir comme Bourguiba, licencié en philosophie, ancien militant, il fut dès l’indépendance associé au pouvoir. Dans les instances du parti destourien, et à la revue arabe Al-Fikr qu’il dirigeait, il fut un partisan convaincu de l’arabisation14, mais, à la différence de son homologue algérien Abdelhamid Mehri, sans hargne vis-à-vis de la langue française dont il reconnaissait l’utilité15. Le 27 décembre 1969, il prend la place de Ahmed ben Salah au ministère de l’Éducation nationale. En mars 1970, il annonce l’arabisation de la première année du primaire (mesure qui sera appliquée à la rentrée 1971). Il est toutefois écarté de l’Éducation nationale en juin 1970, au profit de Chadli Ayari, bête noire des partisans de l’arabisation. Celui-ci, dont la devise serait : « Il ne suffit pas de parler arabe, il faut surtout penser tunisien16 », sera durant une année l’objet des attaques des arabisants (dont Mzali), ce qui le conduit à démissionner de son poste en octobre 1971 : Mzali sera à nouveau ministre de l’Éducation nationale de 1971 à 1973, puis de 1976 à 1980, date à laquelle il sera nommé premier ministre. La seconde année primaire sera arabisée à la rentrée de 1976, la troisième à la rentrée de 1977. La nomination à son poste de Driss Guiga mettra un frein à son action de 1973 à 1976, mais sans effet durable. À partir de 1977, l’arabisation de l’enseignement des sciences au secondaire, et celle des sciences humaines au niveau supérieur, sont mises en route, après celle de la médecine et de la philosophie en 1976. Toutes ces mesures sont prises dans un climat de controverses, mais le courant favorable à l’arabisation l’emporte. Il est appuyé à l’intérieur par un courant destourien réuni autour de Mzali, et à l’extérieur, il bénéficie de la pression des États arabes (notamment l’Arabie saoudite) qui apportent une aide financière à l’État. Cette pression va s’accentuer au début de 1979 quand, à la suite des accords de Camp David, le siège de la Ligue arabe sera déplacé du Caire à Tunis, et qu’un Tunisien, Chadli Klibi, en deviendra le secrétaire général (juin 1979). Nommé premier ministre en avril 1980, Mohamed Mzali aura moins de poids sur l’Éducation nationale. Le pouvoir tunisien doit faire face à un courant islamiste17, conduit par Rached Ghannouchi. Un accord conclu avec la France en 1983 permet la transmission à Tunis d’une chaîne francophone. Les critiques contre la dégradation de l’enseignement se multiplient dans le pays, mettant en cause la politique d’arabisation : critiques reprises par le président Bourguiba le 1er juillet 1986 : il dénonce la mauvaise qualité de l’enseignement et en annonce la réforme. Celle-ci se traduit, à la rentrée, par la reprise de l’enseignement du français à l’école primaire dès la seconde année (au lieu de la quatrième année). Le 8 juillet de la même année, le premier ministre Mzali est démis de ses fonctions. On avait pu observer la montée de Zine el Abidine Ben Ali : officier formé à Saint-Cyr, qui est directeur de la Sûreté nationale en février 1984. Premier ministre en octobre 1987, il dépose le président Bourguiba le 7 novembre et devient président de la République tunisienne. La période Charfi Le nouveau président s’attache dans un premier temps à une remise en route de la démocratie en Tunisie, démocratie qui avait été affaiblie au cours des dernières années de Bourguiba. Il accorde la liberté de presse, reconnaît la Ligue des droits de l’Homme, établit le multipartisme et reprend en main le parti unique destourien. Il met un terme à la répression anti-islamiste, et adopte quelques mesures favorables à l’islam pour désamorcer la pression islamiste. Le 11 avril 1989, il confie l’Éducation nationale à Mohamed Charfi. Celui-ci, ancien président de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme, est un démocrate convaincu, qui, dans son action, sera constamment en butte aux attaques des islamistes18. Il prend le relais des réformes préparées par ses prédécesseurs19, et les accentue dans une grande réforme consacrée par la loi du 29 juillet 199120, réorganisant les enseignements primaire et secondaire. L’ensemble se compose d’un enseignement de base de 9 ans, et d’un enseignement secondaire de 4 ans, aboutissant au baccalauréat. M. Charfi établit une arabisation ouverte, et toutes les matières sont enseignées en arabe dans la formation de base. Mais il renouvelle, en le développant, l’enseignement du français. En arabe comme en français, il lutte contre l’archaïsme des méthodes. Il fait rédiger de nouveaux manuels, notamment d’éducation civique et d’histoire, qui diffusent des valeurs de tolérance, d’égalité des sexes, de place de la femme dans la société, aux antipodes des conceptions diffusées durant les « années Mzali21 ». Il institue des structures de mise à niveau pour les enseignants. Pour ces raisons, il est fortement combattu par les islamistes, qui organisent des troubles dans les universités. Pour faire face à cette crise, le 14 mai 1991, le président Ben Ali charge un dirigeant de l’opposition, Mohamed Moada, de présider une commission chargée de trouver une solution à cette crise22. Mohamed Charfi quittera son ministère le 30 mai 1994. Le 23 juillet 2002 a été promulguée une loi d'orientation de l'éducation et de l'enseignement scolaire, destinée à remplacer la loi de juillet 1991. Son article 9 précise : "L'école est appelée essentiellement à donner aux élèves les moyens : -de maîtriser la langue arabe en sa qualité de langue nationale, -de maîtriser deux langues étrangères au moins." La Tunisie s’est rapprochée de la francophonie, le premier ministre Karoui assistant au sommet de Cotonou en 1995. Une coopération s’établit dans le cadre d’associations euro-méditerranéennes (juin 1996), de télévision. Toutefois la réforme envisagée par M. Charfi et ses successeurs n’a sans doute pas tous les moyens de sa réussite. L’un des problèmes posés est le hiatus entre l’enseignement des sciences en arabe au secondaire, et en français au niveau supérieur. La dernière réforme tente d'y remédier par un multilinguisme généralisé. Le problème des débouchés des diplômés de l’université, et la question de l’analphabétisme représentent des handicaps importants sur le chemin du développement et de l’intégration en cours à l’Union européenne. 2.2 Le Maroc Pour la grande majorité des Marocains, l’indépendance a coïncidé avec le retour d’exil, le 16 novembre 1955, du roi Mohamed V, chassé par la France deux ans auparavant, et revenu avec l’auréole du résistant. L’indépendance officielle date du 2 mars 1956. C’est dire si l’institution monarchique bénéficiait d’une forte légitimité politique, ancrée dans l’islam et l’histoire incarnés par la monarchie, et engagée dans la lutte pour la libération du pays. Cette légitimité fut transmise au roi Hassan ii, quand il succéda à son père le 3 mars 1961. Toutefois, la lutte pour l’indépendance avait été conduite principalement par le parti de l’Istiqlal (« indépendance », en arabe), sous la conduite d’Allal el Fassi. À ce titre, ce parti tentait, dès 1956, de contester la place de la monarchie en proposant une assemblée constituante. Celle-ci fut refusée par le roi, mais, tout en admettant l’état de fait, ce parti contestait activement, sur le terrain et par l’action de ses militants, l’autorité de l’institution monarchique23. Il fut ainsi amené à pratiquer une surenchère nationaliste et islamique par rapport au Palais. Sur le terrain linguistique, l’Istiqlal ne cessa de revendiquer l’arabisation : position souvent démagogique, puisque les élites de l’Istiqlal, suivant l’exemple de leur leader Allal el Fassi, plaçaient leurs enfants dans les établissements de la Mission culturelle française au Maroc. L’histoire de l’arabisation au Maroc consiste essentiellement en cet affrontement politique, entraînant des conséquences sur la structure de l’enseignement principalement. Plus encore que la Tunisie, le Maroc était resté, durant le Protectorat, bien enraciné dans la langue et la culture arabes : l’université Qarawiyine de Fès bénéficiait d’un grand prestige, et toutes les grandes familles, même occidentalisées, se faisaient un honneur de participer de la culture arabe24. Si cette tradition était plus ancrée dans les villes comme Fès, Rabat, Meknès, elle était partagée aussi dans l’ensemble du pays, y compris dans les contrées berbérophones, par le biais de l’attachement à la religion et à la culture musulmanes. Il n’y eut donc pas, comme en Algérie, de réel problème d’identité nationale rattaché à la langue. Après un premier échec de Mohamed el Fassi (1956-1958), il y eut une phase d’arabisation (1959-1966), gérée par l’Istiqlal, suivie d’une pause à partir de 1966. Après la mort de Allal el Fassi en 1974, la pression de l’Istiqlal fut moins forte, mais la question du Sahara imposa, à partir de la marche verte de 1975, un consensus national, à l’ombre duquel une nouvelle vague d’arabisation, menée par Azzeddine Laraki, aboutit, en 1994, à une situation fortement dégradée de l’enseignement, attribuée à la politique d’arabisation : d’où une réticence à l’égard de celle-ci à partir de cette date. Le faux pas de Mohamed el Fassi À la rentrée de 1957, le ministre de l’Éducation nationale Mohamed el Fassi décide d’arabiser le cours préparatoire25. Cette mesure improvisée26 aboutit à un échec retentissant, dû principalement au manque de cadres : son auteur quitte le ministère en mars 1958, en ayant fortement disqualifié l’entreprise. Dix ans plus tard, élu président du Congrès de l’aupelf27, il dira : « Il faudra très longtemps à la langue arabe pour devenir un instrument de communication international28… » La première vague d’arabisation À la suite de cet échec, une commission royale est constituée : colloques et rapports se succèdent. En octobre 1959, le ministre de l’Éducation nationale, Abdelkrim Benjelloun, définit la doctrine officielle en matière d’enseignement selon quatre points : unification, arabisation, généralisation, marocanisation. Dès l’année suivante, il crée un Institut d’arabisation, dont il confie la direction au professeur Lakhdar-Ghazal29. L’Istiqlal engage de son côté une campagne d’arabisation des fonctionnaires. En 1962, le Conseil supérieur de l’Éducation nationale recommande de tout arabiser. L’arabisation est mise en place en 1962, à partir de la première année du primaire. Une Semaine de l’arabisation au Maroc est organisée officiellement du 3 au 9 janvier 196330. Le colloque sur l’enseignement à Camp des Chênes du 13 au 30 avril 196431 recommande d’arabiser le primaire en trois ans, et le secondaire en sept ans. La recommandation n’est pas appliquée au secondaire, mais la seconde année est arabisée à la rentrée de 1963, la troisième en 1964, la quatrième en 1965 : tout le primaire devrait être arabisé à la rentrée de 1966. La pause de l’arabisation Le ministre de l’Éducation, Mohamed Benhima, qui applique ces mesures depuis 1965, doit constater l’incapacité du ministère à faire face à l’afflux d’élèves à la suite de la généralisation de l’enseignement. En 1965, par circulaire, il réglemente l’accès des élèves à l’enseignement secondaire. Cette mesure déclenche de graves émeutes à Casablanca en mars32. Il fait machine arrière, mais tombe sur un autre écueil. L’année suivante, devant la persistance des problèmes, le ministre déclare, lors d’une conférence de presse, le 6 avril 1966, que le niveau de l’enseignement est compromis par une arabisation hâtive, par la généralisation de l’enseignement et par la marocanisation. Il suggère de revenir à l’enseignement scientifique en français, et d’instituer une sélection à l’entrée du secondaire. Il constate que l’arabisation totale de l’enseignement primaire conduit à une impasse, puisqu’il sera impossible pendant de longues années d’enseigner les disciplines scientifiques en arabe. Cette déclaration souleva une tempête de protestations33, notamment de l’Istiqlal. Une grande consultation sur les problèmes de l’enseignement fut engagée par le roi. La politique préconisée par le docteur Benhima fut sans doute appliquée, puisque, en 1967, des journaux se plaignaient du revirement en matière d’arabisation34 et du retour à l’enseignement des sciences en langue française. De son successeur à l’Éducation nationale, Abdelhadi Boutaleb, en mai 1967, on attendait la fin de la pause de l’arabisation. Mais celle-ci était peu probable, le docteur Benhima étant promu au poste de premier ministre en juillet de la même année. Si en octobre 1968, une grande opération « écoles coraniques » (se substituant plus ou moins à l’enseignement préscolaire, entre 5 et 7 ans), fut lancée par le Palais, en octobre 1971, une réforme intégra les écoles primaires de l’enseignement religieux et arabisé au corps des écoles primaires modernes, mesure interprétée comme allant à rebours de l’arabisation. En janvier 1973, l’Istiqlal organisa une grande campagne de pétitions à travers tout le pays, ces pétitions étant largement répercutées dans la presse du parti (L’Opinion et Al-Alam) pour réclamer l’arabisation35. Mais c’était le chant du cygne de l’Istiqlal : son leader Allal el Fassi décédait le 15 mai 1974, et avec lui disparaissait la capacité de son parti d’influencer fortement le pouvoir. D’autre part, à partir de la « marche verte » en novembre 1975, la question du Sahara allait devenir prédominante, et imposer l’union nationale. Elle allait d’autre part contraindre le Maroc à rechercher l’aide politique et financière des pays arabes, ce qui nécessitait quelques contreparties du côté de l’arabisation. Le 22 septembre 1976, le ministre Bouamoud estimait nécessaire « une remise en question de tout le système scolaire ». |
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