Revue d’Aménagement linguistique





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Azzeddine Laraki et la reprise de l’arabisation


Le 10 octobre 1977 est nommé un gouvernement d’union nationale, présidé par Ahmed Osman, dans lequel Azzeddine Laraki est ministre de l’Éducation nationale. Il restera à ce poste jusqu’en novembre 1984, date à laquelle il sera nommé premier ministre. Son action y est favorable à l’arabisation, à laquelle il dit que les Marocains sont « condamnés36 ». En 1985, est mise en place une importante réforme de l’enseignement, comportant notamment l’arabisation de l’enseignement primaire et secondaire37. La sortie, en juin 1990, des premiers bacheliers arabisés révélera le résultat de l’action entreprise38.

C’est à cette époque que le syndicat étudiant, l’unem, interdit depuis 1973, voit, en 1978, lever cette interdiction. Ce syndicat, autrefois progressiste, ne tarde pas à tomber aux mains des islamistes et à devenir le fer de lance de leur contestation dans les universités. La dissolution, en janvier 1990, de l’association islamiste Adl wa Ihsan, dirigée par cheikh Yassine, marque le début d’une longue période d’affrontements avec les islamistes et leur mainmise progressive sur l’ensemble des universités39. En juillet 1992, une Université privée anglophone est inaugurée par le roi à Ifrane : elle a été créée avec des fonds saoudiens (primitivement destinés à parer aux dégâts redoutés d’une marée noire…) et gérée par une coopération américaine : elle se nomme université Al-Akhawayn (Université des deux frères : Hassan ii et Fahd d’Arabie)40.

La crise de l’enseignement se poursuit

Le juin 1994, une lettre du roi Hassan II au Parlement dénonce les insuffisance de l’enseignement et la nécessité d’y apporter des réformes. Malgré des investissements considérables, le taux d’analphabétisme demeure important (55 %). Le 20 août, le roi recommande l’enseignement du berbère. Le 9 juillet 1995, il s’élève contre la gratuité de l’enseignement supérieur et l’arabisation systématique41. C’est cette même année que débute le mouvement des diplômés chômeurs, qui va durer plusieurs années : une bonne partie d’entre eux seraient formés en arabe. Sous la pression islamiste, le Maroc se tourne de plus en plus vers l’Occident. En mai 1996, une visite du ministre français de l’Éducation nationale est liée à la rénovation de l’enseignement, et à l’établissement de réseaux d’universités euro-méditerranéennes. Un baccalauréat international, à option française, est institué. En février 1996, un sondage publié par la revue Chou’oun Maghribia indique que les élites marocaines sont favorables à 80 % à l’intégration dans l’Union européenne. Enfin, en mars 1997, le bilinguisme devient obligatoire pour les inscriptions dans les disciplines universitaires. En octobre, est créé un réseau informatique qui relie les universités de 16 villes marocaines à des réseaux européens. En février 1997, M. Boucetta, secrétaire général de l’Istiqlal, peut bien défendre l’arabisation et demander son extension à l’enseignement supérieur : ses propos sont jugés électoralistes, et une partie de la presse impute à l’Istiqlal la faillite de l’enseignement entraînée par le processus d’arabisation du primaire et du secondaire commencé au début des années 198042.

C’est de cette situation, dans le cadre de l’alternance, qu’hérite le premier ministre Abderrahim Youssoufi, en février 1998. Il met en place, le 8 mars 1999, une Commission éducation-formation, chargée de proposer un projet de réforme de l’enseignement. L’une des difficultés réside, comme en Tunisie, dans le hiatus séparant un enseignement secondaire arabisé d’un enseignement supérieur donné en langue française ou anglaise.

Le roi Hassan ii s’était beaucoup investi dans le maintien d’un certain équilibre au sein des options linguistiques. À la suite de son décès le 16 juillet 1999, l'avènement de son fils Mohamed VI a suscité des espoirs de libéralisation, qui se sont concrétisés dans le domaine de l'enseignement et des langues. A la suite du manifeste de Bouznika (mai 2000), le nouveau roi a annoncé en juillet 2001 la création de l'IRCAM (Institut Royal pour la Culture Amazigh) qui dépend directement du Palais et représente une reconnaissance officielle de la culture berbère. Dans le sillage du rapport de la COSEF (Commission spéciale pour l'éducation et la formation), une réforme de l'enseignement est mise en place à tous les niveaux. Cette réforme a été officialisée par la déclaration de politique générale du gouvernement devant les deux Chambres en novembre 2002.

2.3. L’Algérie

L’Algérie en tant que nation indépendante depuis le 5 juillet 1962 souffre d’un grave problème d’identité. Alors que les deux pays voisins avaient pu conserver des repères d’identité (beylicat et sultanat), ce pays a vu ces repères gommés par la colonisation : ni le souvenir du falot dey d’Alger, ni l’épopée brillante, mais vaine d’Abdelkader ne représentaient d’ancrage fort dans l’histoire à une entité réduite à l’état de départements français. Le nom même d’Algériens était annexé par les colons. Le seul repère, nominal et réel, des Algériens fut de se considérer comme musulmans. L’importance du lien de l’islam à la langue arabe pouvait déjà faire augurer de l’importance qu’y prendrait la question de l’arabisation.

Cette société n’eut pas l’occasion de se prononcer sur elle-même comme cela était prévu par les accords d’Évian en 1962 : des coups de force militaires placèrent Ben Bella, puis Boumediene au pouvoir. La présidence de Chadli Bendjedid a été interrompue par le coup de force que fut l'interruption du processus électoral de janvier 1992 qui allait conduire les islamistes au pouvoir. Le 15 avril 1999, Abdelaziz Bouteflika s'est retrouvé candidat unique, ses concurrents s'étant retirés à la veille de l'élection pour protester contre les irrégularités du scrutin. En dépit d’élections de façade, c’est toujours l’armée qui gouverne l’Algérie. De ce fait, le pouvoir est en carence de légitimité, ce qui ne lui permet pas de représenter le pôle d’unité qu’il devrait être dans un pays marqué par de grandes différences ethniques, linguistiques, régionales, sociales et idéologiques. Cela le conduit à rechercher cette légitimité dans des pratiques démagogiques flattant le nationalisme et l’islamisme.

L’Algérie a trouvé une relative unité dans son opposition à la France. Pour ambivalente qu’elle soit, cette opposition est constitutive dans la mesure où la nation moderne a été forgée dans le moule politique, administratif et culturel français. La place importante de la langue française à divers niveaux de la société en est une marque à laquelle s’applique aussi cette ambivalence.

Le pays est donc traversé par une grande tension entre l’entité arabo-islamique et l’entité occidentale, divisant groupes et individus. Elle aboutit sur le terrain à des oppositions sociales, la langue (française ou arabe) devenant alors un enjeu dans les luttes pour le niveau de vie et le pouvoir. La situation linguistique y est compliquée par la dualité entre langue arabe écrite et langues parlées (arabes et berbères) qui, laissées de côté, voire combattues par le pouvoir, deviennent, par leur statut, le symbole d’un mépris de l’être algérien, autrefois par les colons, puis par les tenants du pouvoir. Dans les dernières années un certain assouplissement de cette tension s'est réalisé dans le domaine des langues, dans la mesure où la langue française tend à être réintégrée dans l'enseignement, et où le berbère a été enfin reconnu comme langue nationale de l'Algérie. La tension entre deux blocs idéologiques ne s'est toutefois pas réduite comme cela apparaît dans la question de la réforme de l'enseignement ou celle du code de la famille.

L’évolution de la situation linguistique est ainsi profondément imbriquée dans la vie de l’Algérie depuis l’indépendance. La colonne vertébrale en est la politique suivie dans l’enseignement, mais elle concerne tout aussi bien l’Administration, l’environnement et le contexte politique. Après une première phase d’effervescence sous Ben Bella (1962 1965), l’arabisation va connaître trois rythmes sous Boumediene, marqués par les noms de Taleb-Ibrahimi (1965-1970), d’Abdelhamid Mehri (1970-1977) et de Mostefa Lacheraf (1977-1979). Sous la présidence de Chadli, une phase sera marquée par le retour des « barbe-fln » (1979-1984), puis par la vague islamiste (1985-1998). A partir de 1999, la présidence de Bouteflika conduit à de nouvelles orientations.

Ben Bella, ou l’arabisation effervescente (1962-1965)

Pour faire sa marque sur le plan politique, Ben Bella avait, dès sa libération en 1962, choisi la référence arabe, en opposition avec les négociateurs des accords d’Évian. Dès octobre 1962, il annonce l’enseignement de l’arabe dans les écoles43 : ce qui sera fait à la rentrée de 1963 (dix heures d’arabe sur 30 heures par semaine), puis en 1964, l’arabisation totale de la première année du primaire. Cette même rentrée voit arriver 1 000 instituteurs et institutrices égyptiens : car l’Algérie n’a pratiquement, en dehors des élèves issus des écoles coraniques, pas d’enseignants susceptibles d’enseigner cette langue. Cette arabisation improvisée se fait sans formation pédagogique, celle des enseignants orientaux étant plus que problématique (la plupart étaient des artisans dans leur pays44), et leur langue (égyptienne) leur rendant la communication avec leurs élèves arabes et surtout berbères difficile, voire impossible,. Dans le contexte algérien, leur fonction en fait des maîtres en religion, ce qui ne fait qu’aggraver la situation. À l’Université d’Alger, un Institut islamique est créé45 et l’ancienne licence d’arabe transformée en licence unilingue sur le modèle oriental.

Parallèlement, une forte pression est exercée par les successeurs des réformistes des années 1930, menés par Tewfik el Madani, ministre des affaires religieuses, appelant le peuple algérien à l’Islam et à la langue arabe46. Ils créent dans le pays, avec l’appui du pouvoir, des Instituts islamiques, pour former des propagateurs de leur idéologie, qui encadreront par la suite l’enseignement arabisé. Leur pression est telle que Ben Bella, dans le climat des controverses suscitées par la question, est amené à dire que « l’arabisation n’est pas l’islamisation47 ». Si l’Assemblée intègre l’arabe dans ses travaux48, une résistance importante à fondement libéral et laïque se manifeste entendre par la voix des étudiants49, des Kabyles50, des écrivains51 (Kateb Yacine, Mourad Bourboune, Assia Djebar) et de la presse francophone. Une arabisation radicale représente une pure utopie pour l’élite francophone. Cette période prend fin avec le coup d’État du 19 juin 1965, qui place Boumediene au pouvoir.

Taleb-Ibrahimi et l’arabisation idéologique (1965- 1970)

Sous l’impulsion du ministre de l’Éducation nationale Ahmed Taleb-Ibrahimi, descendant d’un réformiste connu52, l’arabisation est utilisée pour légitimer un régime impopulaire, en étant présentée comme la face culturelle de l’indépendance. Le ministre fixe les impératifs de l’enseignement : démocratisation, arabisation, orientation scientifique. Mais la mise en place continue : arabisation de la deuxième année du primaire à la rentrée de 196753, création d’une section arabe à la faculté de droit en 1968 et d’une licence d’histoire en arabe54. Le 5 décembre 1969, est créée une Commission nationale de réforme, chargée de préparer un projet de réforme du système éducatif : elle comporte une sous-commission de l’arabisation, présidée par Abdelhamid Mehri.

Le 26 avril 1968, une ordonnance55 rend obligatoire pour les fonctionnaires et assimilés la connaissance de la langue nationale, à partir du 1er janvier 1971. Les fonctionnaires en place doivent acquérir pour cette date la connaissance de cette langue, et les nouveaux recrutements à cette date se feront sur cette base. Par ailleurs, les actualités dans les cinémas sont arabisées (en arabe moderne) en octobre 196756.

Des réserves sur cette politique sont exprimées en divers lieux: chez les magistrats57, dans la presse58. Selon une enquête menée à cette époque par l’Université de Berkeley59, 80 % des jeunes gens interrogés sont hostiles à l’arabisation de l’enseignement universitaire. En 1969, un groupe d’enseignants algériens demande, dans une lettre publiée dans un hebdomadaire, l’utilisation de l’arabe dialectal dans l’enseignement60. En 1970, un article de Mohamed Seddik Benyahia, ministre de l’Information, va jusqu’à évoquer, à propos de cette question, « la trahison des clercs61 ».

Mehri et l’arabisation systématique (1970-1977)

Le remaniement ministériel du 21 juillet 1970 substitue au domaine de Taleb-Ibrahimi trois ministères : l’Enseignement primaire et secondaire (Abdelkrim Benmahmoud), l’Enseignement supérieur et la recherche scientifique (Mohamed Seddik Benyahia), et l’Enseignement originel et les Affaires religieuses (Mouloud Qasim). L’agent actif de l’arabisation sera Abdelhamid Mehri, secrétaire général de l’Enseignement primaire et secondaire. Il se heurtera toutefois à la barrière établie au niveau de l’Enseignement supérieur par le ministre Benyahia. Avec l’appui des arabisants réformistes ou baathistes du fln, il manifestera une grande obstination à contourner les résistances pour mettre les Algériens devant le fait accompli d’un enseignement primaire et secondaire entièrement arabisé, et ayant de ce fait des retombées sur l’enseignement supérieur62.

L’année 1971, année d’application de la réforme administrative décrétée en 1968, avait été déclarée en janvier « année de l’arabisation63 ». Mais plusieurs faits allaient en détourner l’attention. En janvier l’agitation des étudiants conduit à la dissolution de leur syndicat, l’unea, et à l’arrestation d’un grand nombre d’entre eux64. Le 24 février, un nouveau front est ouvert avec la nationalisation des compagnies pétrolières65 et la tension internationale qui la suit. Enfin, le 8 novembre, est publiée l’Ordonnance « portant révolution agraire » pour la réalisation de laquelle le pouvoir allait devoir s’appuyer sur les éléments progressistes de la société, hostiles aux arabisants66.

En attendant, l’arabisation continue. En avril 1971, un colloque des cadres de l’Éducation aboutit aux décisions suivantes : arabisation totale des 3e et 4e années primaires, arabisation d’un tiers de l’enseignement moyen et d’un tiers du secondaire. Mais un décret du même ministère dispensera les hauts fonctionnaires de la connaissance de la langue arabe67. Au ministère de la Justice, un décret du 27 juin 1971 impose l’arabisation. À la rentrée universitaire de 1973, est supprimée la chaire de berbère tenue à l’Université d’Alger par Mouloud Mammeri.

Abdelhamid Mehri expose son programme dans un article du Monde diplomatique de janvier 1972, sous le titre « La langue arabe reprend sa place ». Le 6 novembre 1973, une Commission nationale d’arabisation est instituée au sein du parti du fln et présidée par Abdelkader Hadjar. Cette commission présentera en décembre 1974 un rapport sur l’état de l’arabisation. A. Mehri y traitera du bilinguisme, du rapport arabe classique-arabe dialectal et du caractère non naturel du fait linguistique en Algérie.

Toutefois, la tension créée dans le pays par la mise en oeuvre de la révolution agraire s’ajoute aux controverses suscitées par l’arabisation. Celles-ci aboutissent à des heurts entre étudiants, parfois violents comme en mai 1975, à Alger et à Constantine. Ces tensions sont aggravées par la tenue, du 14 au 17 mai, d’une Conférence nationale sur l’arabisation68, inaugurée par un discours important du président Boumediene69. Elle est suivie d’une Conférence nationale sur la jeunesse (19-22 mai). La pression arabisante, s’exerçant dans un sens hostile à la révolution agraire, entraînera le 16 avril 1976 une Ordonnance décrétant la suppression de l’enseignement religieux et privé70; dirigée en apparence contre les établissements étrangers, cette mesure vise en réalité les foyers d’endoctrinement islamique que représentait l’Enseignement originel.

Cette année 1976 est animée par les discussions publiques proposées sur le projet de Charte nationale71. Mais l’arabisation de l’environnement est poursuivie : arabisation de l’état-civil72, des noms de rues, des plaques d’immatriculation. Le vendredi est déclaré jour de repos hebdomadaire, à la place du dimanche73. Le 10 décembre Houari Boumediene candidat unique à la présidence, est élu à 99 % des voix74 : le pouvoir est apparemment à son sommet.
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